RFI : Estimez-vous que la crise syrienne soit entrée dans une nouvelle étape ?
George Sabra : Premièrement, sachez que nous ne faisons pas que lancer de simples allégations contre le régime concernant l’utilisation d’armes chimiques. Nous avons des preuves. C’est la réalité. Il y a trois semaines, lorsque le régime a commencé à utiliser des armes chimiques, nous avons publié plusieurs documents attestant de cela. Nous avons publié des vidéos et des photos de victimes dans les hôpitaux et aussi de personnes dont la vie a été mise en danger.
Les armes chimiques ont été utilisées dans trois endroits différents de Syrie. A Alep, dans une région appelée Kan al-Assal, dans la vieille ville de Homs et dans la Ghoutta de Damas, une zone agricole près de la ville d’Otayba. Nous l’avons déjà demandé et je renouvelle ma demande, nous voulons qu’une commission d’enquête internationale, impartiale, sous l’égide des Nations unies, recueille des preuves afin de faire la lumière sur cette affaire.
Le président Bachar el-Assad a refusé l’entrée sur le territoire syrien d’une commission d’enquête des Nations unies, qu’elle autre solution peut-il y avoir ?
C’est la responsabilité de la communauté internationale. Comment peut-elle permettre de laisser le régime syrien agir en toute impunité ? Ce régime est en train de tuer son propre peuple, il est en train de déstabiliser toute la région. Il met en danger toute la région.
Les Etats-Unis avaient parlé de ligne rouge à ne pas franchir concernant l’utilisation des armes chimiques, pensez-vous qu’ils vont désormais prendre les mesures nécessaires ?
Tous nos amis occidentaux, les Etats-Unis en particulier et le président américain Barack Obama, avaient déclaré que l’utilisation d’armes chimiques était une ligne rouge à ne pas franchir. Le régime a quand même utilisé des armes chimiques. J’attends donc de voir ce que vont faire les Amis du peuple syrien pour nous protéger des risques liés à l’utilisation de ces armes.
Nous, nous attendons vraiment à une action américaine. Les déclarations des responsables américains et surtout celles du président Barack Obama ne peuvent pas être prises à la légère. Nous pensons vraiment que ces déclarations sont sérieuses et que l’administration américaine compte faire face à ses responsabilités pour préserver la sécurité et la stabilité dans la région. Les vies de dizaines de milliers de Syriens sont menacées par l’utilisation de ces armes chimiques.
Concernant la livraison des armes aux rebelles syriens, y a-t-il des chances que l’embargo européen soit bientôt levé ?
Nous avons confiance en nos amis français et britanniques. Nous savons qu’ils déploient énormément d’efforts concernant la levée de l’embargo sur les livraisons d’armes.
Ce serait un point noir dans l’histoire du monde moderne et dans l’histoire de l’humanité que de laisser un criminel s’armer librement auprès de la Russie, l’Iran, la Chine et d’un autre côté abandonner la victime, c'est-à-dire le peuple syrien, et ne pas lui permettre de se défendre.
La France et la Grande-Bretagne ont été les premiers pays européens à réclamer sa levée, mais l’allégeance du Front al-Nousra à al-Qaïda a changé la donne. Les inquiétudes européennes sont fondées selon vous ?
A mon avis, ces inquiétudes sont exagérées. Nos amis français et britanniques savent parfaitement que le Front al-Nousra ne représente qu’une minorité des troupes combattantes en Syrie. Le Front al-Nousra dispose de moins de 5 000 hommes. La rébellion compte 150 000 révolutionnaires environ. L’idéologie du Front al-Nousra ne s’applique qu’à lui-même, elle ne s’applique pas au peuple syrien.
Sachez que ceux qui sont menacés par un génocide et par les armes chimiques aujourd’hui en Syrie, ce n’est ni le Front al-Nousra, ni les révolutionnaires. Ce sont les femmes et les enfants dans nos villes et nos villages, ce sont les millions de Syriens qui seront confrontés aux tueries que le régime s’apprête à commettre.
Vous succédez au poste de président de la coalition à Ahmad Moez al-Khatib, certains ont vu dans son départ un conflit interne. Ne pensez-vous pas que sa démission a accentué les inquiétudes occidentales ?
Ahmad Moez al-Khatib a quitté sa fonction en signe de protestation. Il a voulu dénoncer l’inaction de la communauté internationale qui ne porte pas secours au peuple syrien, qui n’aide pas les Syriens à se protéger, à protéger leurs enfants et surtout à se défendre.
Ni Ahmad Moez al-Khatib ni personne d’autre d’ailleurs n’a expliqué cette démission par des conflits internes au sein de la coalition. Cette démission reflète le sentiment d’abandon que ressentent les Syriens. Ils se sentent abandonnés par la communauté internationale. Personne ne leur vient en aide. Donc voilà la raison de sa démission.
Sachez seulement qu’il n’y a pas de conflit au sein de la coalition, la situation est normale. La coalition compte, durant les prochains jours, organiser des consultations pour élire une nouvelle direction, avec un nouveau président, des vice-présidents ainsi que de nouvelles instances politiques et un secrétaire général. Donc il va y avoir un renouvellement comme le prévoient les statuts de la coalition.