Un changement de position dans l’indéfectible soutien de l’Allemagne à Israël ou bien, comme dans le cas de l’intervention en Libye, une abstention qui isole Berlin sur la scène internationale et plus particulièrement en Europe ? Ces deux interprétations se retrouvent dans les réactions en Allemagne.
Le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle avait souligné, en annonçant ce 29 novembre la position allemande arrêtée avec Angela Merkel, que la décision n’avait pas été « facile à prendre », ajoutant que son pays restait favorable à l’existence de deux Etats, israélien et palestinien. Mais pour Berlin, un tel résultat doit être le produit d’une négociation entre les deux parties prenantes et non obtenu, même partiellement, par un vote de l’Assemblée générale de l’ONU.
Guido Westerwelle, qui avait rencontré le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas la semaine dernière, avait tenté en vain de le persuader de renoncer à son projet. Faute de succès, le ministre allemand des Affaires étrangères espérait au moins que l’Europe dans son ensemble s’abstienne à l’ONU. Ce souhait de Berlin ne s’est pas réalisé, en raison notamment de la décision française de voter « oui ». Une décision peu appréciée en Allemagne dans les milieux diplomatiques, qui y voient la cause d’une division de l’Europe.
Une abstention critiquée par des politiques allemands
L’abstention de Berlin a été critiquée sur place, où certains ont effectué des parallèles avec une position similaire lors de l’intervention en Libye, même s’il faut souligner que d’autres Etats européens, à commencer par la Grande-Bretagne, ont adopté cette fois la même position, relativisant l’isolement allemand. Le co-président du groupe des Verts au Bundestag, Jürgen Trittin, a déclaré : « On ne peut pas être pour la coexistence de deux Etats au Proche-Orient et refuser en même temps aux Palestiniens le même statut dont bénéficie aujourd’hui le Vatican. » Même tonalité dans le quotidien Berliner Zeitung de ce vendredi : « On ne peut pas refuser aux Palestiniens ce qu’on a accordé aux Kosovars ou au Soudan du Sud. »
Mais il faut aussi souligner que l’Allemagne est, en Europe, en raison de l'Holocauste, le pays dont la proximité avec Israël est la plus proche. Angela Merkel a déclaré il y a quatre ans que l’existence de l’Etat hébreu faisait « partie intégrante de la raison d’Etat allemande ». Une solidarité illustrée encore récemment lors des violences entre le Hamas à Gaza et Israël. Dans un long éditorial, l’hebdomadaire de centre-gauche Die Zeit parle ainsi d’un « premier pas courageux » de l’Allemagne pour agir en conformité à ses prises de positions officielles favorables à deux Etats dans la région.
Le journal rappelle qu’il y a encore peu, des diplomates allemands avaient évoqué un vote négatif de l’Allemagne à l’ONU. Mais le « oui » français a fait évoluer Berlin, comme les récents événements au Moyen-Orient. En s’abstenant, le gouvernement Merkel contribue indirectement à soutenir le président Abbas contre ses challengers du Hamas.
Après le vote à l’ONU jeudi, Guido Westerwelle a regretté l’absence de position commune de l’Europe, tout en estimant que le scrutin renforçait la nécessité de discussions de paix directes entre les deux parties. La chancelière Merkel, qui recevra la semaine prochaine à Berlin le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, aura l’occasion de s’entretenir avec son homologue des conséquences du vote de l’ONU.