«Nos amis ne sont pas très actifs», reproche l’opposition syrienne

Malgré l’annonce faite vendredi 6 juillet à Paris d’une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui comporte une menace de sanctions contre Damas, l’opposition syrienne trouve que la communauté internationale n’est pas assez efficace. C’est l’avis de Rafif Jouejati, la porte-parole en langue anglaise des Comités locaux de coordination de l’opposition en Syrie.

RFI : Que pensez-vous de cette troisième réunion du Groupe des amis du peuple syrien ?

Rafif Jouejati : Pour moi, c’est juste dans la continuité des platitudes que nous entendons de la part de la communauté internationale depuis plusieurs mois. Ce que j’espère, c’est qu’après les discours et les applaudissements, la communauté internationale et les amis de la Syrie vont mettre sur pied un vrai plan avec des mécanismes de coercition car le régime d’Assad n’exécute aucune des mesures fixées.

RFI : Donc, le sentiment général, c’est que la Syrie a beaucoup d’amis mais qu’ils ne font pas assez…

R.J. : Nous avons des amis qui ne sont pas très actifs, c’est exact. Tout ce que l’on entend, c’est un peu du déjà-vu. Nous étions optimistes et pensions que nous entendrions des choses différentes mais, malheureusement, je ne sais pas s’il y a une volonté internationale d’arrêter la crise humanitaire qui sévit en ce moment en Syrie.

RFI : Que pensez-vous de l’accord de Genève de la semaine dernière ?

R.J. : Je pense que c’était un échec avant même que la réunion ne commence. D’abord, la communauté internationale n’a pas pu s’entendre sur un langage commun. Et au moment où l’accord a été annoncé, il avait été complètement édulcoré et n‘offrait absolument rien au peuple syrien. En fait, quand Kofi Annan a conclu son communiqué en disant « que l’espoir d’aujourd’hui ne débouche pas sur le chagrin de demain », j’ai dit très clairement : « M. Annan, nous n’avons pas besoin de votre espoir ». Le peuple est en train de perdre espoir et nous éprouvons déjà du chagrin. Nous avons 14 000 morts (plus de 16 500 selon certains rapports, ndlr) et plus de 200 000 personnes arrêtées. Il n’y a aucune possibilité d’avoir un accord avec le régime Assad. Pour engager le dialogue, il faut accepter la contradiction et on peut facilement juger de la place qui est laissée à la contradiction dans le régime Assad. Donc, ce « plan Annan version 2 » n’a aucun poids. Il est dépourvu d’un mécanisme de coercition et ne porte sur aucune conséquence. Il est donc voué à l’échec.

RFI : Comment amener la Russie à bouger et à rallier l’action de la communauté internationale ?

R.J. : Le gouvernement russe a besoin de subir la pression des amis de la Syrie, d’être forcé à cesser ses livraisons d’armes. Les armes livrées par les Russes servent à tuer le peuple syrien et à perpétrer les massacres. Il faut que les Russes réalisent que le régime Assad est un bateau en train de couler. Et il faut qu’ils rejoignent le reste de la communauté internationale en condamnant la violence et en aidant à mettre un terme aux massacres.

RFI : Mais concrètement, comment faire pression sur la Russie ?

R.J. : Je crois que l’on peut commencer par réellement appliquer des sanctions. Par exemple, des sanctions à l’encontre des fabricants d’armes russes. Et puis en usant de sanctions d’ordre diplomatique et en les isolant. Ils sont déjà en train de s’isoler en ne participant pas à la réunion d’aujourd’hui. Il faut aussi que les Russes entendent la rue syrienne car c’est au peuple syrien de déterminer son destin. M. Lavrov n’écoute pas les manifestants qui défilent quotidiennement, et il ne lit pas les pancartes que brandissent les Syriens en risquant leur vie et qui disent : « le peuple veut renverser le régime ».

RFI : La Chine non plus n’est pas à la réunion d’aujourd’hui…

R.J. : Oui, la Chine suit la Russie dans tout ce qu’elle décide à propos de la Syrie. Mais si la pression est très forte sur la Russie, la Chine changera sa position. La Chine n’est pas le principal fournisseur d’armes de Bachar el-Assad.

RFI : A combien s’élève le marché syrien de l’armement pour la Russie ? On parle d’un milliard de dollars par an…

R.J. : En réalité, la Russie vend pour près de 5 milliards d’armement à la Syrie annuellement. Je comprends que, pour eux, c’est un marché difficile à lâcher mais on parle quand même de vies humaines, pas uniquement d’exportations. Ils violent les règles internationales, ils ne respectent ni la volonté de la communauté internationale, ni celle du peuple syrien.

RFI : Quelle est votre opinion par rapport à une intervention militaire étrangère ?

R.J. : Personnellement, je suis opposée à une intervention miliaire. Et je crois que des sanctions, ajoutées à une résistance civile continue, sont les moyens les plus efficaces pour faire tomber le régime et permettre à la Syrie de vivre une transition politique, suivie d’une démocratie durable. Cependant, le régime Assad a prouvé qu’il ne partirait que de force. Pour cela, nous comptons sur l’Armée syrienne libre afin qu’elle protège les civils et qu’elle s’empare de la plus grande part de territoire possible, tel qu’elle le fait à l’heure actuelle. Pour le moment, l’Armée syrienne libre contrôle une partie significative du pays et nous la saluons pour ses efforts.

RFI : Mais au sein de l’opposition syrienne, n’y a-t-il pas des gens qui sont favorables à une intervention étrangère ?

R.J. : Oui, beaucoup de gens dans l’opposition sont favorables à une intervention étrangère et le sont depuis le début de la révolution. Mais, de notre point de vue aux LCC (Comités locaux de coordination en Syrie), la révolution syrienne a commencé de façon pacifique et elle doit se terminer dans la paix. Ce qui a inspiré la rue syrienne, ce sont les mouvements de résistance civile, les manifestations pacifiques et les actes continuels de désobéissance civile. Je pense que cela a eu plus d’impact sur le régime qu’une intervention militaire. Vous savez, c’est un régime qui est habitué à la violence et qui ne comprend que la mort et la torture. Le régime est extrêmement intimidé par la puissance du peuple et par la résistance pacifique et non violente. C’est dans cette voie que nous devons continuer.

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