L’Irak craint une propagation de la crise syrienne sur ses terres

Alors que les niveaux de violence atteignent de nouveaux pics, l'Irak craint un débordement de la crise syrienne sur son territoire. Bagdad, qui s'efforçait depuis le début des affrontements de garder un rôle de médiateur entre Damas et les pays de la Ligue arabe, modifie désormais son discours.

Fin février 2011. La scène se passe dans la zone ultra fortifiée de Bagdad, au moment où le monde entier a les yeux rivés sur les révolutions arabes. « L’Irak est en passe de devenir le pays le plus sûr de la région », assure le Premier ministre chiite Nouri el-Maliki, un brin orgueilleux, face à des journalistes peu crédules. C’était sans compter sur une déstabilisation de la Syrie voisine qui débutera deux semaines seulement après la tenue de ces propos.

Longtemps sujet de tensions entre Bagdad et Damas, la frontière irako-syrienne inquiète plus que jamais. Longue de plus de 600 kilomètres et traversée par le désert syrien, elle incarne le tendon d’Achille d’une nouvelle armée irakienne peu expérimentée et toujours dépourvue de véritable aviation militaire.

La frontière demeure surtout une zone de passage privilégiée pour les groupes armés sunnites, dont la présence dans la région s’est accrue. Car pour les Irakiens, cela ne fait aucun doute : l'intensification des violences dans le pays n’est pas sans rapport avec une Syrie désormais en état de guerre, dans une région où se munir en armes relève parfois du jeu d’enfant.

Les autorités en alerte maximale

Au total, 457 personnes ont perdu la vie et plus d’un millier ont été blessées lors d’attaques diverses survenues le mois dernier en Irak, selon l’ONG internationale Iraq Body Count, basée en Grande-Bretagne. Le bilan le plus lourd depuis le départ des dernières troupes américaines en décembre. Des attentats souvent de grande envergure, à caractère antichiite, et revendiqués pour la quasi-totalité par l’Etat islamique d’Irak, un organe chapoté par al-Qaïda.

 Au lendemain de nouvelles attaques sanglantes dans le sud de Bagdad, et à deux jours de nouvelles commémorations chiites, les autorités sont donc en alerte maximale. Des milliers de pèlerins sont attendus dans les villes saintes de Najaf et de Kerbala, à l’occasion de l’anniversaire de l’imam al-Mehdi, une figure de l’islam chiite.

Le type même de rassemblement que les insurgés sunnites ne se lassent pas de viser. Un feu de provocations auquel la population irakienne, profondément marquée par les affrontements intercommunautaires de 2006 et 2007, refuse néanmoins de répondre. Les lacunes sécuritaires sont en revanche pointées du doigt et les autorités vivement critiquées pour leur incapacité à contrer la menace terroriste.

Changement de position

Consciente donc du risque de contagion, Bagdad, qui s’efforçait depuis le début de la répression à jouer un rôle de médiateur entre Damas et les capitales arabes, semble désormais modifier sa position. « Le combat mené depuis des mois par le peuple syrien vise à mettre un terme à un régime totalitaire qui n’hésite pas à user de tous les moyens répressifs ou à commettre de sérieuses violations des droits de l’homme contre les manifestants pacifiques », déclarait lundi 2 juillet le ministre des Affaires étrangères irakien Hoshyar Zebari, pressant l’unité au sein de l’opposition lors de la réunion du Caire. Jamais, les propos irakiens n’avaient été aussi explicites depuis le début de la crise syrienne.

Car le gouvernement irakien semble profondément préoccupé par le renforcement des ressources dont disposent les groupes insurgés en Irak, capables de mener à faibles intervalles des attaques redoublant toujours d’intensité. Lundi, Nouri el-Maliki réaffirmait ainsi son engagement contre le trafic à ses frontières : « Nous rejetons le transit d’armes ou d’individus sur nos terres, que ce soit en faveur du régime ou de l’opposition syrienne », insistait-il. Un message dirigé aux pays du Golfe, mais également à l’Iran, pour qui l’Irak n’a décidément pas fini d’être un terrain de combats interposés.

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