«L’Arabie Saoudite semble aujourd’hui plus décidée à combattre le terrorisme»

Les autorités indiennes ont annoncé lundi 25 juin avoir arrêté l’un des cerveaux présumés des attaques de Bombay, qui avaient coûté la vie à plus de 164 personnes en 2008. Dix terroristes liés à un groupe pakistanais avaient alors semé la terreur pendant trois jours. On vient d’apprendre que l’arrestation de ce terroriste présumé, Abu Jindal, avait été réalisée en Arabie Saoudite, et Riyad a ensuite accepté de l’extrader vers l’Inde. Ce geste est rare de la part d’un pays qui fut souvent accusé de tolérer, voire de soutenir les groupes jihadistes.

Siddharth Ramana, spécialiste du terrorisme en Asie du Sud et chercheur au South Asia Monitor, à New Delhi, explique les origines et les implications de ce changement géopolitique.

RFI : Quels sont les facteurs qui ont poussé Riyad à coopérer ainsi avec l’Inde ?

Siddharth Ramana : Il faut d’abord reconnaître le rôle des Etats-Unis, qui ont exercé une pression constante sur les différents pays du Golfe, afin qu’ils pourchassent les membres des groupes al-Qaïda et Lashkar-e-Taiba. Il y a quelques années, les Emirats arabes unis avaient également remis à l’Inde un terroriste recherché pour l’attaque contre le centre culturel américain de Calcutta (survenue en 2002, ndlr). Mais l’Arabie Saoudite connaît aussi depuis quelques mois des tensions croissantes avec le pouvoir civil pakistanais, et, dans une sorte de retournement d’alliance, celà lui permet de se rapprocher davantage de l’Inde et d’offrir un visage beaucoup plus positif à la communauté internationale en faisant ce type de geste.

RFI : Ce changement géopolitique de l’Arabie Saoudite peut-il s’inscrire dans la durée ?

S.R. : L’Arabie Saoudite a profondément envie de changer. La royauté sait qu’elle est directement menacée par des groupes terroristes de la région, et cela a été démontré par l’attentat manqué contre le ministre de l’Intérieur (en 2009). Ce pouvoir a également conscience qu’il peut être victime d’insurrections d’un type similaire au récent « printemps arabe », et il a donc besoin du soutien de la communauté internationale. Tous ces éléments font qu’aujourd’hui, l’Arabie Saoudite semble bien plus décidée à combattre le terrorisme jihadiste qu’au lendemain des attentats du 11-Septembre.

RFI : Cette pression de l’Arabie Saoudite peut-elle entraîner un changement profond au Pakistan, qui est aujourd’hui l’épicentre du terrorisme jihadiste ?

S.R. : Le rôle de l’Arabie Saoudite sera essentiel pour cela, mais cette pression doit être concertée. D’autres pays, en plus de l’Inde, doivent d’abord demander au Pakistan d’extrader les responsables de différents attentats terroristes. L’Inde est peut-être pionnière dans ce mouvement, mais la réussite de cet effort dépendra également de l’état futur des relations américano-pakistanaises. Et si les Etats-Unis décident ou pas d’affronter le pouvoir d’Islamabad. Enfin, un dernier pays qui peut avoir un rôle crucial est la Chine, car selon moi, la Chine est encore plus importante pour le Pakistan que les Etats-Unis. Or Pékin commence à réaliser que les groupes islamistes qui rentrent dans la région du Xinjiang peuvent mettre en péril l’équilibre intérieur du pays. Et cela peut pousser la Chine à rejoindre les autres pays et à exercer cette pression contre le Pakistan.

 

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