Le verdict que redoutaient tant les révolutionnaires est tombé. La Haute Cour constitutionnelle vient d’annoncer la validité de la candidature d’Ahmed Chafik, ex-Premier ministre de Hosni Moubarak, en lice pour le second tour de l’élection présidentielle qui doit ainsi se tenir samedi et dimanche.
La loi qui vient d’être invalidée interdisait aux caciques de l’ancien régime de se présenter à des élections pour une période de dix ans. Elle avait été adoptée en avril dernier par le Parlement, alors dominé par les islamistes, puis renvoyée devant la Haute Cour, ce qui avait rendu possible la candidature d’Ahmed Chafik.
Le candidat Chafik, qui a assuré au peuple qu’il n’y aurait pas de retour à l’ancien régime, doit affronter Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans. La confrérie peut se féliciter du verdict : une invalidation de la candidature d’Ahmed Chafik aurait en effet annulé le scrutin de dimanche alors que les Frères musulmans sont arrivés vainqueurs du premier tour.
Un Parlement jugé « illégal »
Dans le même temps, la Haute Cour a déclaré ce jeudi 14 juin que le Parlement actuel était anticonstitutionnel et a jugé sa composition « illégale ». Elle précise que l’invalidation des élections législatives frappe tous les sièges de l’Assemblée. Son verdict est exécutoire dès sa publication et l’actuelle Assemblée devient nulle et non avenue. La conséquence est la remise du pouvoir législatif au Conseil suprême des forces armées, qui disposait de cette prérogative avant l’élection de l’Assemblée.
Le Sénat, qui n’est pas concerné pour l’instant par le verdict, n’a pas voix au chapitre. Il ne dispose pas, en effet, de pouvoirs législatifs. La loi électorale invalidée avait créé deux modes de scrutins simultanés : deux tiers de liste proportionnelle pour les partis et un tiers d’uninominal à deux tours pour les candidats indépendants. Mais les partis islamistes avaient fait amender cette loi pour permettre à leurs candidats de briguer les sièges uninominaux. Une atteinte anticonstitutionnelle à l’égalité des chances qui s’étend aux deux modes de scrutins, a estimé la Cour.
Un coup de force ?
S'agit-il d'un coup de force mené par le pouvoir militaire ? Certains se posent la question. D'autres l'affirment, comme Abdel Moneim Aboul Fotouh, le dissident des Frères musulmans, arrivé en quatrième position lors du premier tour de l'élection présidentielle. « La dissolution du Parlement et le maintien de la candidature d'Ahmed Chafik à la présidentielle équivaut à un coup d'Etat », a-t-il déclaré.
Les deux décisions de la Haute Cour constitutionnelle ont été ressenties comme un échec de la révolution par les groupes de manifestants réunis devant la cour. D'autant que la veille, le gouvernement égyptien a adopté un décret selon lequel la police militaire et les renseignements de l'armée auront à nouveau le pouvoir d'arrêter des civils et de les déferrer devant des tribunaux militaires. Pourtant, le 31 mai dernier, il y a tout juste deux semaines, le Conseil suprême des forces armées avait levé l'état d'urgence qui était en vigueur depuis 1981 et qui donnait ces mêmes pouvoirs aux forces de sécurité.
Les organisations de défense des droits de l'homme et les opposants ont eux aussi l'impression d'un retour en arrière. D'ailleurs, l'un des candidats au premier tour, l'avocat Khaled Ali, de tendance gauche laïque, ainsi que plusieurs ONG, ont porté plainte devant le tribunal administratif contre ce décret.