La Sureté générale (services de renseignements libanais) a arrêté samedi Chadi al-Mawlawi, 27 ans, soupçonné d’avoir eu des contacts avec une « organisation terroriste », et notamment d’avoir eu des liens avec des rebelles en Syrie. Le jeune homme aurait été attiré dans un guet-apens tendu par les agents du renseignement. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, l’entourage de Chadi al-Mawlawi a décidé de protester contre cette arrestation. D’autres manifestants qui étaient rassemblés depuis plusieurs jours pour dénoncer la lenteur des procédures judiciaires que subissent les leurs (certains croupissent depuis plus de cinq ans en prison sans procès) se sont joints à eux, organisant un sit-in et bloquant l’un des principaux axes routiers à l’entrée de Tripoli.
Des affrontements à l’arme automatique
Des armes à feu ont soudain surgi entre les deux camps, d’un côté des groupes sunnites opposés au régime syrien, et de l’autre des milices alaouites favorables à Bachar el-Assad. L'armée libanaise avait du mal à se déployer dans les quartiers, un soldat a d’ailleurs été tué. Des affrontements avec des armes automatiques et même des lance-roquettes ont fait basculer ces quartiers dans des scènes de guerre.
Des dizaines de milliers de réfugiés syriens au Liban
Depuis le début de la répression en Syrie en mars 2011, des dizaines de milliers de Syriens ont fui leur région pour se réfugier dans d’autres villes ou à la campagne. D’autres ont fui leur pays pour trouver refuge dans les pays voisins, notamment la Turquie, la Jordanie, et le Liban où ils seraient plus de 30 000, un chiffre vertigineux qui commence aussi à peser sur le Pays du cèdre.
Mais au Liban, pas de camps de réfugiés avec des milliers de tentes, contrairement à la Turquie ou à la Jordanie. Les réfugiés se logent comme ils le peuvent, chez des parents, louent des habitations, se mêlent à la population, en toute discrétion pour ne pas attirer l’attention. Leur présence est tolérée par les autorités, mais la peur des représailles est très présente, en raison notamment des liens étroits qui persistent entre les autorités syriennes et certains groupes libanais proches du régime de Bachar el-Assad, y compris des députés libanais.
La peur d’une déstabilisation du Liban
Depuis que le conflit a pris de l’ampleur en Syrie, les autorités libanaises ont peur qu’il ne traverse les frontières pour gagner leur territoire, et disent privilégier la paix civile. Car les incidents se multiplient entre musulmans sunnites et alaouites, entre partisans et opposants au régime syrien, depuis plusieurs mois.
Le conflit syrien a déjà, à plusieurs reprises, empiété sur le territoire libanais, notamment fin mars, lorsque des tirs de l’autre côté de la frontière ont détruit des maisons et fait plusieurs blessés côté libanais. « Un conflit au Liban embraserait la région toute entière », avait déclaré début mars le ministre libanais de l’Intérieur.
Trafic et livraisons d’armes
Cette fois, le président Michel Sleiman a mis en garde contre les risques d’instabilité au Liban. Car selon les autorités syriennes, c’est aussi par le nord du Liban que transitent des armes pour les rebelles syriens. Des stocks d’armes soupçonnés d’être livrés à des groupes rebelles en Syrie ont récemment été saisis sur des bateaux qui faisaient escale au Liban.
Dans un discours prononcé début mai, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais, traditionnellement allié du régime syrien et de l’Iran, a accusé de son côté les Etats-Unis, Israël et certains pays arabes de fomenter le terrorisme en Syrie.
La division du Liban, entre les pro et les anti-régime, fait craindre une escalade de la violence dont pourtant ni les autorités libanaises, ni ses opposants ne veulent, chacun à sa manière souhaitant préserver une certaine sécurité régionale.