Le Premier ministre, cheikh Nasser Mohammed al-Ahmad Al-Sabah, membre de la famille régnante, a été contraint de démissionner pour une sombre affaire de corruption. Il aurait acheté, à coup de millions de dollars, des voix de certains parlementaires, pour s'assurer leur soutien.
« La corruption est vraiment endémique et institutionnalisée et c’est en cela qu’il y a une vraie crise systémique au Koweït, selon Fatia Dazi-Heni, politologue spécialiste des pays du Golfe. Cette situation existe partout dans le Golfe, sauf qu’au Koweït on en parle publiquement. C’est le seul pays où les citoyens peuvent dénoncer ouvertement la corruption pratiquée au sommet de l’Etat. »
Mais l'instabilité politique existe depuis une vingtaine d’années au Koweït, depuis le rétablissement du Parlement à la fin de la guerre du Golfe de 1991. Les membres de la famille régnante, les Al-Sabah, s'affrontent en permanence avec les députés.
« Dans le système politique koweitien, l’émir a le pouvoir de législation. Il peut soumettre des lois mais ces lois peuvent être soumises à un veto du Parlement, explique Laurence Louer, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales-Sciences Po-CNRS. Et de son côté, le Parlement peut aussi proposer des lois qui peuvent être soumises au veto de l’émir donc on est dans une situation de blocage. »
Blocage politique
Pour sortir de cette situation de blocage, les députés souhaitent une réforme constitutionnelle permettant au Parlement d’avoir plus de pouvoir. Cette idée est soutenue par une partie de la population qui estime qu'avec les crises politiques à répétition, le pays n'avance plus.
Selon Claire Beaugrand, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient « le Koweït a le sentiment d’un déclassement par rapport à ce qu’il a été, un pays indépendant très tôt, avec une presse libre, une expérience démocratique. Et là les Koweitiens ont le sentiment de se faire passer devant par d’autres pays du Golfe ».
La volonté de « retrouver la gloire passée a été au cœur du discours de certains candidats aux élections, poursuit-elle, particulièrement au niveau du développement économique parce qu’il y a une certaine anxiété face à la durabilité du système d’Etat rentier ». Le Koweït a en effet du mal à diversifier une économie qui repose à 95 % sur la rente pétrolière.
Des réformes, pas de révolution
Si les Koweitiens veulent que le pays avance, ils ne vont toutefois pas jusqu’à demander un changement de régime. Des jeunes étaient descendus dans la rue à l’automne dernier pour protester contre les scandales de corruption entachant le pouvoir.
Mais contrairement aux jeunes d’autres pays arabes, ils ne réclament pas la chute de la famille régnante. « Ce qu’ils veulent, c’est réformer et faire en sorte qu’il y ait une vraie monarchie constitutionnelle au Koweït et pour cela il n’y a pas besoin de révolution », résume Fatia Dazi-Heni.
Selon certaines projections, une coalition de mouvements islamistes qui font partie depuis longtemps de l’opposition koweitienne, pourrait remporter la majorité des sièges au Parlement. Selon Claire Beaugrand, « ils prêchent l’éthique en politique et sur les affaires de corruption, ils s’allient facilement à d’autres forces politiques pour accéder éventuellement au pouvoir et avoir une gestion des affaires qui serait plus saine ». Les premiers résultats sont attendus ce vendredi 2 février.