Le ballet des ambulances s’est nettement intensifié ce mardi sur la place Tahrir. Pour laisser passer les véhicules d’urgence dans la foule compacte, les manifestants ont tiré des cordes et organisent la circulation pour leur permettre de foncer de l’autre côté et récupérer les nombreux blessés, là où se déroulent les affrontements avec les forces de l’ordre.
Mohamed porte un masque mais il a les yeux qui pleurent et il peine à parler : « Ils sont en train de lancer des bombes lacrymogènes, et tout le monde a couru se réfugier dans les ruelles. Plusieurs personnes étaient asphyxiées et sont venues jusqu'au dispensaire. On ne va pas partir, on va rester ici, on va dormir ici. Ce qu’on veut, c’est le transfert du pouvoir militaire à un pouvoir civil. »
Farad travaille dans une fabrique de draps, il vient sur la place pour réclamer un meilleur salaire. Il réclame ce qui avait été promis en janvier, plus de justice sociale, mais la réponse selon lui n’est que sécuritaire : « Ils sont en train de nous taper et de nous tirer dessus. C’est le même scénario qu’en janvier avec Hosni Moubarak, des discours et des promesses. On va rester ici jusqu’à ce que le maréchal parte, même s’il reste encore dix ans, et bien on restera dix ans. »
On entend des tirs, de la rue Mohamed-Mahmoud toute proche, près du ministère de l’Intérieur. Les gaz tirés rendent l’atmosphère de la place irrespirable, la gorge pique, les yeux brûlent, et les volontaires dans les dispensaires aspergent les manifestants d’un liquide pour calmer les brûlures. Mais les manifestants sont décidés à rester sur la place.