Une demande d’adhésion à l’Unesco depuis 1989
Cela fait vingt-deux ans que l’Autorité palestinienne a demandé son admission à l'Unesco. Cette année, la demande est donc inscrite pour la première fois à l'ordre du jour de cette session qui s'ouvre ce mardi et se déroule jusqu'au 10 novembre. Au cours du vote du comité exécutif de l’Unesco le 5 octobre dernier, seuls quatre Etats ont voté contre (Etats-Unis, Allemagne, Roumanie, Lituanie), et quatorze se sont abstenus (dont plusieurs pays de l’Union Européenne comme la France).
Pas de droit de veto à l’Unesco
Au cours de cette session, il faudra la majorité des deux tiers pour que cette recommandation soit approuvée par les 193 Etats membres de l'ONU. Et contrairement au Conseil de sécurité, il n'y a pas de droit de veto à l’Unesco : un Etat peut voter contre mais pas bloquer le vote.
Pour Mahmoud Labadie, membre de la commission des relations internationales du Fatah, cette reconnaissance à l'Unesco est très importante. « Nous voulons imposer la cause palestinienne sur la scène internationale, la reconnaissance de la Palestine en tant qu’Etat, en tant que peuple, identité politique, culturelle. La perspective de cette adhésion nous donne un peu d’espoir ». Le vote pourrait n’intervenir qu’après le 31 octobre pour des raisons de procédure.
Etre reconnu par le plus grand nombre d’Etats
Le principal enjeu de ce vote à l’Unesco est bien cette reconnaissance que demandent les Palestiniens auprès des instances de l’ONU où il n’y a pas de droit de veto, comme l’explique Julien Salingue, doctorant en sciences politiques à l'Université Paris 8, enseignant chercheur sur le mouvement national palestinien.
« D’abord l’enjeu est de contourner le veto américain annoncé à l’admission de la Palestine comme Etat membre de l’ONU, en faisant admettre la Palestine dans une des institutions importantes de l’ONU : il s’agit de faire la démonstration que la Palestine, en tant qu’Etat, existe, veut exister, et qu’un certain nombre d’Etats considèrent qu’elle a le droit d’exister. Ceci mettrait les Etats-Unis devant leurs responsabilités d’assumer leur choix au moment du vote à l’ONU. »
L’enjeu du patrimoine culturel et naturel
Parmi les missions spécifiques de l’Unesco, la préservation du patrimoine culturel et archéologique constitue un enjeu important pour les Palestiniens. En effet, les questions de patrimoine ont depuis longtemps été sources de différents entre Israéliens et Palestiniens, notamment à propos de Hébron (site d’Al-Haram Al-Ibrahimi, Tombeau des Patriarches), ou à Bethléem (Tombe de Rachel). Les Palestiniens reprochent aux Israéliens de vouloir les ajouter à la liste du patrimoine national d'Israël.
Les questions de patrimoine culturel ont souvent servi de justification aux uns et aux autres, chacun revendiquant le fait d'avoir une présence historique plus ancienne que l'autre sur ce territoire. Et ce patrimoine culturel revendiqué par les deux parties est aussi l'une des pièces de cet enjeu de la demande d'adhésion de la Palestine à l'Unesco.
« Ce sont des lieux qu’il s’agit de protéger du point de vue palestinien, protéger de la colonisation israélienne ou de l’exploitation qui peut en être faite par les autorités israéliennes – notamment l’exploitation touristique, souligne Julien Salingue. Et puis il s’agit tout simplement aussi de dire « le peuple Palestinien existe, il a une histoire, il a une culture, il abrite dans ses territoires un certain nombre de lieux que l’humanité tout entière reconnaît comme étant des lieux importants, donc il serait plus que malencontreux de ne pas donner le statut de membre à la Palestine à l’Unesco. »
Objectif : ratifier la convention de 1972
Une pleine admission à l’Unesco permettrait en outre à la Palestine de signer et ratifier la Convention sur le patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, une des plus largement adoptée par les Etats de l’ONU comme l'explique Roni Amelan, en charge du patrimoine au service de presse de l'Unesco. « La Convention stipule qu’il existe un patrimoine culturel et un patrimoine naturel, qui est d’une si grande importance qu’il mérite d’être préservé par l’ensemble de l’humanité pour son avenir. »
L’objectif des Palestiniens pourrait être justement, une fois cette convention ratifiée, de faire acte de candidature sur la liste du Patrimoine Mondial de l’humanité pour certains sites comme Bethléem, le caveau des Patriarches à Hébron ou encore Jéricho. « C’est une convention qui a une très grande adhésion, quasi universelle. La plupart des Etats sont très contents de présenter des sites et d’avoir des sites inscrits : c’est une question de fierté nationale, de reconnaissance, et cela peut générer des revenus touristiques », précise Roni Amelan.
Une démarche de rehaussement auprès d’autres instances
Depuis quelques années, l'Autorité palestinienne a entamé des démarches pour demander un rehaussement de son statut dans de nombreuses instances – statut qui pour le moment est celui d'observateur. Des démarches similaires sont en cours auprès de l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation mondiale des douanes ou encore l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Les Palestiniens semblent dorénavant privilégier le vote dans des agences intergouvernementales où il n'y a pas de droit de veto. Enfin, l'ampleur du vote en leur faveur (par exemple lors du conseil exécutif de l'Unesco, avec 40 voix « pour » sur 58 votants le 5 octobre dernier) fait apparaître l'embarras de la plupart des pays de l’Union Européenne qui eux, se sont abstenus.