Les chrétiens de Syrie craignent la dérive islamiste de la rébellion

Dans la crise actuelle qui secoue la Syrie, pays composite en matière de religions et d'ethnies, les chrétiens qui regroupent 2 millions de fidèles de diverses tendances, se déclarent inquiets de la tournure religieuse de certaines manifestations. Ils prônent dialogue et modération de part et d'autre.

Avec notre envoyé spécial à Damas, Paul Khalifeh

Dans une Syrie en proie à un mouvement de contestation sans précédent depuis quarante ans, les deux millions de chrétiens syriens sont inquiets. Tous souhaitent des réformes, plus de liberté, davantage de démocratie.

Mais la plupart préfèrent ne pas prendre partie pour un camp ou pour l’autre dans la crise actuelle. Pour Samia Khanji, présidente de l’association des femmes chefs d’entreprise à la chambre de commerce de Damas, « les chrétiens sont restés à mi-chemin. Ils n’ont pas voulu s’immiscer ni avec les contestataires, ni avec le régime. Peut-être est-ce une erreur. Mais il ne faut pas les blâmer. Ne sachant pas comment leurs réactions seraient interprétées, ils ont préféré rester à l’écart ».

Les chrétiens soupçonnent une dérive islamiste du mouvement de contestation dont les revendications sont pourtant jugées légitimes par une grande partie des membres de la communauté. Mais certains slogans leur font peur et la mobilisation à la sortie des mosquées les effraie. C’est ce qu’affirme Nabil Haddad, un commerçant damascène : « Malheureusement, nous sommes confrontés à un mouvement qui montre son visage. Quand tous ces mouvements sortent des mosquées après la prière du vendredi en disant "Il n’y a de Dieu que Dieu", c’est un mouvement qui a une connotation très troublante, confessionnelle. Il y a cette connotation confessionnelle qui prend de plus en plus un visage menaçant qui fait que les chrétiens, à mon avis et non pas seulement à mon avis, je le sais parce qu’on parle entre nous, commencent à avoir peur qu’il y ait une prise de pouvoir d’un mouvement intégriste ».

Reste l’espoir de meilleurs lendemains

Installés en Syrie depuis deux millénaires, les chrétiens se posent aujourd’hui des questions sur le futur. Ils prêchent le dialogue et la modération. Ainsi, Samia Khanji, par exemple, précise que la contestation pourrait « essayer d’être plus modérée et le régime moins violent pour essayer de rapprocher les deux parties ».

Dans ce tumulte, coloré de sang et de larmes, l’espoir d’un lendemain meilleur n’a pas complètement disparu. Ils sont peu nombreux, mais ils sont toujours là ceux qui croient que l’unité nationale restera plus forte que la fracture confessionnelle. Le médecin Riadh El-Nayar en fait partie : « Je ne pense pas qu’il y ait un problème d’ordre religieux entre les différents partis de la population syrienne. On vit toujours en parfaite harmonie, musulmans et chrétiens et même les autres minorités de la Syrie. Je ne pense pas qu’ils soient menacés de quoi que ce soit ».

Dans une Syrie multiconfessionnelle et pluriethnique, les chrétiens souhaitent autant les réformes que la stabilité. Car les images de l’exode des chrétiens d’Irak sont encore présentes dans leur esprit.
 

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