De notre correspondant à Jérusalem, Nicolas Falez
Ce lundi 8 août 2011, le prix de l’électricité augmente de 10% en Israël. Au départ, la hausse prévue était de 20% mais sur fond de contestation sociale, le gouvernement a décidé de couper la poire en deux.
Pas sûr que cela soit considéré comme un geste suffisant par les quelque 300 000 Israéliens qui sont descendus dans les rues du pays 48 heures plus tôt, pour la troisième grande manifestation depuis le début du mouvement à la mi-juillet. Parmi les manifestants rencontrés samedi soir à Tel-Aviv, Noam et son épouse, tous deux ingénieurs mais se disant inquiets pour l’avenir : « Nous venons de nous marier, nous voudrions acheter une maison, avoir un enfant… mais tout est trop cher. Ca va être très difficile », prédit Noam. Edifiant également, le témoignage de cette Américaine de New York, fraîchement immigrée en Israël : « C’est vrai que le logement est cher à New York, explique la jeune femme, venue avec mari, enfants et amis, mais là-bas, les salaires permettent de se loger. Pas ici ! ».
Depuis trois semaines, la classe moyenne israélienne exprime son sentiment d’abandon. Elle se dit étranglée par des dépenses qui augmentent, une aide sociale qui diminue et des salaires qui stagnent.
Le mouvement a fleuri à la mi-juillet et il s’exprime au quotidien sous forme de campements de tentes, à travers tout le pays et surtout sur le boulevard Rothschild de Tel-Aviv, devenu le cœur de la contestation.
En Israël et ailleurs, beaucoup s’interrogent sur les similitudes entre cet « été israélien » et le « printemps arabe ». Même mobilisation massive, structurée en dehors des partis et des organisations traditionnelles, même usage de l’internet et des réseaux sociaux. Le politologue Denis Charbit de l’université ouverte de Tel-Aviv nuance : « Ici, il ne s’agit pas de faire tomber un régime, nous sommes en démocratie parlementaire. Mais il y a néanmoins un effet de mimétisme : ce que les manifestants de Tunis et du Caire ont enseigné au monde et à Israël (qui n’est pas très éloigné), c’est que la véritable autorité est dans l’opinion publique. Ici, il s’agit de dire que même si on a élu un gouvernement, il a des comptes à rendre à la population. Et pas seulement à ses électeurs ».
Une commission spéciale
Au pouvoir depuis mars 2009, le Premier ministre Benyamin Netanyahu et son gouvernement tentent de contenir l’incendie. Une hausse du prix de l’essence prévue pour le 1er août 2011 a été différée d’un mois. Une loi censée assouplir les modalités de construction a été votée la semaine dernière par la Knesset, le Parlement israélien. Selon le gouvernement, elle devra permettre d’accélérer les chantiers et donc d’augmenter l’offre de logements.
Et ce dimanche 7 août, Benyamin Netanyahu a dévoilé la composition d’une « Commission spéciale » dirigée par un économiste de renom, Manuel Trachtenberg. Cette équipe, qui intègre des experts mais aussi une bonne partie de l’actuel gouvernement, devra discuter avec les meneurs du mouvement social.
Ce dialogue permettra-t-il de répondre aux revendications des protestataires dans les domaines du logement, de la fiscalité, de la santé et de l’éducation ? « Cela dépend de quelles demandes, affirme le politologue et militant du Likoud Emanuel Navon, car il y a des Israéliens qui s’identifient au mouvement général mais vous avez aussi des dirigeants de ce mouvement qui ont des revendications allant très au-delà de celles portant sur le coût de la vie. Ils veulent revenir à une économie quasi-socialiste, comme il y a une trentaine d’années. Et certains croient pouvoir s’octroyer une légitimité supérieure à celle du gouvernement. Or, ils n’ont pas été élus ».
Une coalition en danger ?
A l’exception notable du quotidien gratuit Israel HaYom, traditionnellement proche de Benyamin Netanyahu, la plupart des grands journaux israéliens tirent à boulets rouges sur le gouvernement depuis le début de la crise. La coalition actuelle est-elle en danger ? Son point faible pourrait être le parti religieux Shass (11 députés sur les 70 formant l’actuelle coalition).
Cette formation, dont l’électorat se situe dans les couches populaires et séfarades (juifs orientaux) du pays, ne peut pas être indifférente aux demandes d’Etat-providence qui se font entendre actuellement. « Le Likoud, le parti de droite du Premier ministre Netanyahu est aussi un parti populaire, ajoute l’ancien diplomate Freddy Eytan, qui suit de près ce mouvement social. La coalition est stable pour l’instant mais des fissures pourraient apparaître et Benyamin Netanyahu l’a bien compris. Mais il faut rappeler que depuis 1948 (date de la naissance de l’Etat d’Israël), aucun gouvernement n’est tombé pour des problèmes sociaux ».