Nasser Al-Turki, Halida Boughriet, Mohamad-Saïd Baalbaki… Voici quelques noms d’artistes qui peuplent ce vaste territoire culturel nommée Menasart qui recouvre plusieurs continents. « Il n’y a pas forcement un art commun à ces trois régions Moyen-Orient, Afrique du Nord, Sud-est Asiatique, explique Pascal Odille, le directeur artistique de Menasart. Par contre, il y a des liens, des approches, des réflexions communes, notamment à travers la religion ou à travers certaines pratiques artistiques comme la calligraphie. »
Menasart défend par exemple l’acrylique à travers Travel to Light (2009) de Nasser Al-Turki et On a Grey Day (2009) de Chaouki Chamoun, une accumulation de dunes qui surplombent une foule de gens. Samir Khaddaje a reçu de la part de Pascal Odille carte blanche pour une œuvre monumentale autour de l’écologie : « Il s’agit d’une grande installation de plus de 20 mètres carrés au sol, reprenant différents objets récupérés dans différentes décharges entourant Beyrouth et symbolisant des notions de ruptures, de corps brisés. Il s’agit d’objets récupérés, recouverts de plâtres, d’enduits, peints par-dessus. De très belles œuvres, mais qui en même temps sont empreintes de sentiments de révolte et de douleur. »
Une vidéo prémonitoire
L’Egyptien Khaled Hafez montre à Beyrouth une vidéo prémonitoire qui dure 4 minutes et 32 secondes, réalisée en 2006, intitulée Revolution : Liberty, Social Equity, Unity. « Une très belle vidéo, souligne Pascal Odille, difficile, provocatrice, puisque cela parle de la Constitution, de la naissance d’une Egypte laïque et de toute l’évolution ensuite. C’est une très courte vidéo, intense et très forte. »
Selon Laure d’Hauteville, Menasart offre même la première lecture artistique du « printemps arabe » : « Tout le monde s’est focalisé sur la politique, mais il y avait beaucoup d’artistes qui ont peint, qui ont créé des œuvres pour pouvoir communiquer les uns avec les autres, sans dire les choses oralement, mais avec l’intermédiaire de la peinture, de la sculpture, de la photo, de la vidéo, pour s’exprimer et dire ce qu’ils pensent de cela. »
Presque tous les artistes exposés partagent une très faible visibilité de leur art en Occident, malgré une scène artistique émergente et un intérêt croissant. « C’est un marché qui part du Maroc jusqu’à l’Indonésie, qui est en pleine émergence artistique et économique, souligne Laure d’Hauteville, la directrice de Menasart. J’ai appelé cela la naissance d’un « sixième continent », le continent Menasa. Quand l’économie sort, l’artistique sort avec parce que tout le monde s’intéresse aujourd’hui à cette région. » Les chiffres sont impressionnantes : le « continent » Menasa rassemble 60 musées d’art contemporain, 6 biennales d’art contemporain, 8 foires d’art contemporain ! Sans compter les futurs Louvre et Guggenheim d’Abu Dhabi, le premier musée d’art contemporain de Bahreïn créé par l’architecte Zaha Hadid qui ouvrira ses portes en 2012 ou les maisons de ventes internationales qui se sont récemment installées sur ce territoire.
Chercher l'eau à la source
A Beyrouth, la princesse Reem Al-Faisal a honoré et scénographié l’invitation faite à l’art contemporain saoudien avec l’exposition Nabatt, chercher l’eau à la source. La source artistique est pour elle la poésie et la langue. Les artistes exposés se trouvent en lien direct avec la poésie Nabatti, considérée comme l’une des formes les plus innovatrices de la littérature arabe. L’art contemporain a repris le rôle d’élargir et de briser les limites de la société actuelle. « On a beaucoup de collectionneurs saoudiens qui ne collectionnent pas seulement de l’art saoudien, mais de l’art contemporain de partout, explique la princesse Reem Al-Faisal. Il y en a des galeries, pas assez, j’aimerais bien avoir beaucoup plus, et on n’a pas encore des musées d’art contemporain en Arabie. A travers de cette foire, on espère d’encourager l’art contemporain en Arabie Saoudite. »
Entretemps, Beyrouth peaufine avec Menasart son image de centre stratégique du marché de l’art contemporain. Directrice Laure d’Hauteville envisage d’exporter le modèle de la Menasart-Fair dans cinq autres destinations du territoire Menasa. En même temps, Beyrouth doit redevenir le capital de l’art des pays arabes. « Je ne dirais pas que le Liban a perdu sa place de capitale culturelle du monde arabe. Non. Elle a juste été mise en suspens en 2005 après l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri. Etant donné qu’il n’y a pas de censure au Liban alors qu’il peut y avoir dans d’autres pays arabes, le Liban a toujours été un pays de dialogue. Les Libanais ont tous plusieurs nationalités, il y a 4 millions Libanais au Liban, mais 14 millions dans le monde. C’est le seul pays où l’on pouvait dialoguer et réfléchir sur toutes les ouvertures possibles dans le monde. »
MENASART-FAIR, du 13 au 16 juillet à Beyrouth, Liban.