A l'ouverture de cette « Conférence pour le changement en Syrie », une minute de silence a été observée en hommage aux victimes de la répression depuis le début du mouvement, le 15 mars dernier. Au programme de cette rencontre, une feuille de route devrait être définie pour préparer la transition démocratique. Les plus sceptiques demandent de véritables réformes et surtout, le départ du président syrien. L'opposition cherche à se structurer pour faire face à un régime en perte de crédit. Les contestataires considèrent la libération de certains détenus politiques comme une mesure « insuffisante et tardive ».
Le président Bachar el-Assad, lui, essaie de contrôler la situation. Mercredi 1er juin, en plus de l'amnistie, il a proposé la création d'une commission pour lancer « le débat national ». Cet organisme est composé du vice-président Farouk al-Chareh, de hauts responsables du parti Baas, et du Front national progressiste. Pour les opposants, il s'agit de manoeuvres politiques pour sauver le régime autoritaire de Bachar el-Assad.
Le besoin de réforme globale
Le peuple syrien comme la communauté internationale reste sceptique devant cette amnistie. Pour les opposants, ce n'est que de la poudre aux yeux lancée par un président sur la défensive. Les Syriens attendent un véritable renouveau politique démocratique. La Turquie, qui accueille les opposants au régime de Bachar el-Assad jusqu'à vendredi, considère que l'amnistie doit être suivie d'un processus de réforme globale. Cela aura l'effet d'une thérapie de choc sur le peuple syrien, selon le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. Quant à la France, c'est Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères en tournée au Proche-Orient, qui réclame « un changement de cap beaucoup plus clair, plus ambitieux, plus audacieux ». Si le régime syrien ne change pas radicalement d'orientation politique, Bachar el-Assad est politiquement mort, analyse Burhan Galion, le directeur du Centre des études arabes et de l'Orient contemporain.
Promouvoir le pluralisme politique
Le nouveau paysage politique de l'opposition ne doit exclure personne selon le chercheur syrien, Burhan Galion. L'amnistie générale des détenus politiques s'applique aussi aux Frères musulmans. Interdite en Syrie jusqu'à présent, cette confrérie veut faire partie du paysage politique. Le chef de la délégation des Frères musulmans, Melhem al-Douroubi, est d'ailleurs présent à la conférence d'Antalya en Turquie. Les Frères musulmans réclament un vrai engagement du gouvernement de Damas pour entériner leur liberté d'expression. C'est l'article 49 du Code pénal qui est dans leur ligne de mire. Cet article prévoit jusqu'à la peine de mort pour les personnes appartenant aux Frères musulmans. Cette loi anti-démocratique est aujourd'hui décriée par l'opposition.
Des crimes contre l'humanité
Mais avant les réformes, l'urgence est de mettre fin à la répression et aux tueries. Damas a appliqué une stratégie de la terreur selon Nadim Houry, spécialiste de la Syrie et du Liban à l’ONG Human Rights Watch. Alors que des enquêtes sont en cours sur la mort présumée par torture du jeune Hamza, l'organisation internationale dénonce des « crimes contre l'humanité » et des charniers dans la ville de Deraa. Depuis le début de la contestation en mars, il y a eu plus d'un millier de personnes tuées. Grâce à une cinquantaine de témoignages, l'organisation internationale a récupéré les preuves des « tueries systématiques et des actes de torture par les forces de sécurité syriennes ».