L’Etat tchadien voulait se constituer partie civile dans le procès Hissène Habré, mais le 27 août, cette demande a été déclarée irrecevable. Ndjamena avait déposé en février par ses avocats une lettre de constitution de partie civile au greffe du tribunal spécial. Ses mandataires avaient expliqué que le Tchad entendait ainsi ouvrir un volet économique dans l'affaire, estimant que M. Habré, qui a dirigé le pays de 1982 à 1990, lui avait causé un préjudice financier.
L'ex-président du Tchad, en exil au Sénégal depuis sa chute en 1990, a été arrêté le 30 juin 2013 à Dakar. Inculpé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial, il a été placé en détention préventive.
Les deux raisons du rejet
Qu’est-ce qui justifie ce refus de la part du tribunal sénégalais ? La chambre d'accusation du tribunal spécial a pris cette décision pour deux raisons. D’abord parce que le pillage, constitutif de crime de guerre, ne peut être exécuté que par un ennemi en territoire occupé… Le reste n’est que détournements de fonds et là, on n’est pas dans le crime de guerre. Deuxième raison : le crime de pillage n’est ni visé dans le réquisitoire introductif ni dans l’inculpation. Les autorités tchadiennes ne pouvaient donc pas étendre les poursuites à des infractions qui ne sont pas envisagées par le ministère public, qui est le seul à avoir le pouvoir de déclencher l’action publique.
Cette décision a été saluée par les avocats des victimes qui craignaient un mélange des genres : l’Etat tchadien fait partie de ceux qui financent la procédure ; si Ndjamena avait pu se porter partie civile, cela aurait discrédité le procès, selon elles, et aurait ajouté de la polémique à la polémique. En plus, le Tchad aurait eu accès au dossier.. Et quand on sait qu’il y a beaucoup de responsables de l’ancien régime dans celui d’Idriss Deby, on imagine les dangers encourus par certaines victimes.
Ce nouvel épisode, a priori, ne devrait pas avoir de conséquences. Mais certaines sources se disent néanmoins inquiètes. Elles redoutent que le Tchad ne revienne sur sa promesse de transférer à Dakar les complices présumés de Hissène Habré. Il s’agit de Younous Saleh qui fut le premier directeur de la police politique, la DDS, et Mahamat Djibrine, présenté comme l’un des tortionnaires les plus redoutés. Tous les deux sont incarcérés au Tchad et Ndjamena doit les livrer aux chambres africaines extraordinaires. Mais à la grande surprise des avocats des victimes, Ndjamena semble traîner les pieds, même si les autorités tchadiennes s’en défendent.
Les défenseurs des droits de l’homme redoutent donc un recul du Tchad, ce qui pourrait avoir comme conséquence de retarder l’ouverture du procès - ou tout du moins de compliquer les choses.