2 080 km pour l’amitié franco-allemande et contre l’extrême droite

2 080 kilomètres. C’est en fauteuil handisport que Guy Patin a effectué son voyage de la mémoire. Cet ancien éducateur sportif a voulu rendre hommage à son arrière-grand-père déporté durant la guerre au camp de concentration de Sachsenhausen mais aussi faire un geste pour l’amitié franco-allemande et contre la montée de l’extrême droite.

De notre correspondant à Berlin,

« Sous le Troisième Reich, j’aurais certainement été considéré comme un asocial et exclu et, qui sait, comme quelques milliers d’autres victimes du programme d’euthanasie du régime ». Guy Patin, contre les démons du passé, veut qu’ils ne soient pas oubliés. Sa démarche exemplaire, qui a suscité d’abord la surprise sinon l’incrédulité, est aussi un témoignage d’espoir, un message pour les générations actuelles et à venir et contre l’obscurantisme.

Guy Patin a quitté Avion, dans le nord de la France, le 6 juin. Une date qui ne devait rien au hasard. C’est en effet le 6 juin 1941 que son arrière-grand-père Alfred Leriche est arrêté. Mineur et syndicaliste, il sera déporté avec 243 autres. Leur crime : avoir initié des grèves dans le bassin houiller du nord de la France pour protester contre l’occupation nazie. Au total, 100 000 mineurs participeront à ces actions dont Guy Patin voulait rappeler le souvenir quelque peu oublié.

En 2012 déjà, le sexagénaire handicapé avait parcouru 600 kilomètres en fauteuil roulant pour rejoindre Londres lors des JO. « On ne parlait pas suffisamment des jeux paralympiques et je voulais montrer qu’être handicapé peut aussi être synonyme d’espoir. » Ce premier voyage au long cours s’est déroulé physiquement sans problème.

Guy Patin poursuit l’entraînement et décide de se lancer dans un périple de plus longue haleine. L’arrière-petit-fils du mineur déporté s’est déjà rendu au camp de concentration de Sachsenhausen, au nord de Berlin. Il s’investit dans les amicales de déportés et effectue une formation qui lui permettra bientôt de poursuivre le travail de mémoire des victimes encore vivantes du Troisième Reich lorsqu’elles auront disparu.

Un geste de mémoire... et de colère

Après son départ le 6 juin, Guy Patin va rejoindre son but avec des étapes quotidiennes de 40 à 60 kilomètres. « Je suis parti seul, raconte-t-il, sans avoir planifié mes étapes pour rester flexible. Je faisais juste le point trois fois par jour avec la France par téléphone ». Au gré de son voyage, il rencontre des initiatives et des acteurs investis dans le travail de mémoire ou la lutte contre l’extrême-droite. Fin juillet, Guy Patin touche à son but. Il pénètre dans l’enceinte du camp de concentration 71 ans jour pour jour après le décès de son aïeul. Alfred Leriche est mort à Sachsenhausen le 26 juillet 1943, deux ans après y être arrivé, à l’âge de 56 ans. Son décès a été dûment enregistré avec la précision qui marquait la machine de mort nazie dans le livre des morts du camp.

Avec d’autres personnes qui l’accompagnent, Guy Patin se recueille sur le site devant les stèles rendant hommage aux déportés français ainsi qu’aux mineurs du nord de la France. Le directeur du mémorial et le ministre régional de la Justice accueillent le Français et saluent sa démarche. « C’est un geste de mémoire pour rendre hommage à mon arrière-grand-père mais aussi un geste de colère face à la montée de l’extrême-droite en Europe, pour rappeler que la vigilance est plus que jamais nécessaire face aux démons du passé », précise Guy Patin.

Le Français compte plus que jamais poursuivre son engagement. L’année prochaine au plus tard, il sera de nouveau à Sachsenhausen lors du 70e anniversaire de la libération du camp. Guy Patin refera en fauteuil roulant le parcours de la terrible marche de la mort. En avril 1945, les nazis, devant l’avancée des forces soviétiques, avaient ordonné le départ de 33 000 des 36 000 prisonniers du camp. Des milliers d’entre eux ne survécurent pas, épuisés ou abattus. « Ca sera pour moi une marche de l’espoir et de la vie pour moi qui n’aurait sans doute jamais survécu à cette époque ».

► Pour en savoir plus : Le voyage de Guy Patin sur sa page Facebook

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