Quelle sera la force de frappe de la Banque des Brics ? Sans aucun doute bien moindre que celle des institutions de Washington. Son capital initial s'élève à 50 milliards de dollars - soit plus de quatre fois inférieur à celui de la Banque mondiale. Quant au fonds de réserve, il atteindra 100 milliards, contre 1 000 milliards engagés dans le FMI. Selon Capital Economics, le champ d'action du fonds de réserve sera donc limité aux économies des Brics. Le terme de concurrence est peut-être un peu fort. Et la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a d'ailleurs affirmé que leur but n'était pas de s'éloigner du FMI.
Un message politique
Concrètement, l'objectif du Fonds de réserve est de permettre à certains pays de mieux gérer les périodes de fluctuations financières fortes, fluctuations auxquelles ont été confrontés les marchés émergents ces derniers temps. La banque, elle, devrait permettre de financer des projets à long terme, notamment d'infrastructures. Mais la visée est aussi politique. Pour Thierry Apoteker, président de la société d'étude macro économique TAC, « il y a un message pour dire que les pays du Sud prennent davantage leur destin en main ».
La création de la banque des Brics et du fonds est aussi l'occasion de montrer que les Brics, dont l'acronyme a été créé (à l’époque sans le « s » de l'Afrique du sud) par un banquier de la Goldman Sachs, peuvent surmonter leurs divergences et aboutir à des résultats concrets. Le lancement de ces institutions est un moyen de pression sur les institutions dites de Bretton Woods. C'est du moins de cette façon que l'interprète Andrea Goldstein coauteur de l’ouvrage L'Economie des Bric.
« Un pas vers un monde multilatéral »
Le FMI et la Banque mondiale sont régulièrement critiqués pour leur incapacité à refléter l'ascension des grands pays émergents. La Chine, par exemple, est la deuxième puissance économique mondiale, mais elle continue de peser à peine plus lourd que l'Italie au sein du FMI. Autre illustration : depuis leur création il y a soixante-dix ans, le FMI et la Banque mondiale n'ont été présidés que par des Européens ou des Américains. Le représentant du Brésil au FMI considère d'ailleurs les institutions des Brics comme « un pas vers un monde multilatéral ».
De leur côté, les institutions de Washington ne semblent pas s'inquiéter. Pas publiquement du moins. Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, assure que ses équipes seront « ravies » de travailler avec le fonds de réserve des Brics. La Banque mondiale salue aussi l'arrivée d'un « partenaire précieux » pour la lutte contre la pauvreté. Certains pensent qu'à terme, cela n'empêchera pas les rivalités et les batailles d'influence. Mais, Andrea Goldstein par exemple, estime que les institutions de Washington et celles des Brics pourront coopérer. Et l'économiste d'expliquer que cela pourrait permettre au FMI par exemple « d'entrer dans des pays dans lesquels les Brics ont un accès politique plus favorable ».
> Brics : possible évolution avec l’entrée du Nigeria ?
Le groupe des Brics pourrait-il envisager de faire évoluer sa composition en s'agrandissant avec le Nigeria ? Difficile de donner une réponse définitive. Il est vrai que le Nigeria est devenu la première économie d'Afrique. Après une réévaluation en avril dernier, son Produit intérieur brut est désormais estimé à plus de 500 milliards de dollars. Mais plusieurs spécialistesrestent sceptiques. Les Brics forment un groupe économique, mais la dimension politique compte aussi. Et pour Jean-Joseph Boillot, co-auteur de Chindiafrique, cet élargissement est même impensable du fait des rivalités entre le Nigeria et l'Afrique du sud. Et de souligner que pour les Brics, c'est l'Afrique du sud qui est plus proche, économiquement et politiquement.