Il est vrai que Mossoul se trouve à près de 800 kilomètres de Beyrouth. Mais l'onde de choc provoquée par la prise de la ville et de sa province par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a été parfaitement ressentie au Liban. L'événement a provoqué un vif intérêt dans divers milieux. Et les médias, la classe politique et l'opinion publique en général n'ont pas caché leur profonde inquiétude.
La presse a évoqué un véritable séisme : le quotidien An-Nahar, proche de la coalition pro-occidentale du 14-Mars, a constaté que « Daech », qui est le diminutif en arabe de l'organisation islamiste radicale, a « étendu son Etat en Irak et en Syrie ».
As-Safir, proche du Hezbollah, écrit que « les nouveaux Tatars sont aux portes de Badgad », allusion à l'invasion de la ville par les Mongols de Houlagou, en 1258, qui s'est soldée par la destruction de la capitale de l'Empire abasside, le massacre de sa population et l'incendie de sa célèbre bibliothèque.
Le quotidien à capitaux saoudiens, Al-Hayat, écrit que le spectre de Daech mobilise le monde, et que Bagdad appelle Washington au secours.
Inquiétude des milieux politiques
Le Conseil des ministres, qui dirige le pouvoir exécutif pendant la vacance à la présidence de la République, a consacré sa dernière réunion, la semaine dernière, à examiner les éventuelles répercussions sur le Liban des événements en Irak. Parmi ces conséquences, le fait que le vide présidentiel risque de se prolonger pendant des mois, car l'élection d'un nouveau président est tributaire d'un accord entre l'Iran et l'Arabie saoudite, deux pays très influents auprès des acteurs politiques libanais. Or, il est clair que la fulgurante offensive de l'EIIL éloigne la perspective d'un dialogue entre Riyad et Téhéran.
Les milieux politiques libanais s'inquiètent, plus particulièrement, d'une exacerbation des tensions entre sunnites et chiites. Des tensions qui s'étaient quelque peu atténuées, ces dernières semaines, après la formation d'un gouvernement de partenariat national, où siègent le parti sunnite de l'ancien Premier ministre, Saad Hariri, et le Hezbollah.
Le Hezbollah dans l'attente
Visiblement, le Hezbollah est soucieux de ne pas jeter de l'huile sur le feu et n'a publié aucun communiqué commentant les développements irakiens. Mais ses médias sont clairement favorables au gouvernement de Nouri al-Maliki. Le site officiel du parti a d'ailleurs qualifié l'EIIL d'« enfant monstrueux d'al-Qaïda ».
Les analystes pensent que les événements en Irak auront sans doute des répercussions sur l'action du Hezbollah en Syrie, où il a déployé des milliers d'hommes aux côtés de l'armée syrienne.
Le quotidien saoudien Al-Watan a estimé que le parti envisagerait d'augmenter le nombre de ses combattants en Syrie pour combler le manque de miliciens chiites irakiens qui devront se replier dans leur propre pays pour faire face à l'offensive des jihadistes sunnites.
Selon une source citée par Al-Watan, des renforts du Hezbollah se préparent à entrer en Syrie.