C’est un formidable témoignage de la richesse artistique des civilisations indiennes qui s’expose depuis le 8 avril et jusqu’au 20 juillet au Musée du quai Branly de Paris. Cet héritage est d’autant plus spectaculaire et émouvant que tous ces objets, vêtements et tableaux sont le seul testament de peuples qui n’ont pas connu l’usage de l’écriture pour transmettre leurs savoirs et leurs valeurs à travers les âges. Rassemblant 146 œuvres d’art conservées par quelques-unes des plus importantes collections européennes et américaines, cette magnifique exposition sobrement intitulée « Indiens des Plaines » présente toutes les facettes artistiques des premiers habitants d’Amérique du nord (v. diaporama en fin d'article).
Un parcours de 500 ans
Coiffes et parures de plumes, peaux de bison peintes, peintures et dessins, vêtements à haute valeur symbolique, objets cérémoniels et sculpturaux – insuffisamment éclairés à notre goût – ont été agencés en sept sections chronologiques distinctes par Jean-Michel Wilmotte dans un souci de présenter toute la variété et la créativité de ces civilisations sur une période de plus de 500 ans, allant du XVIe siècle à nos jours. D’un point de vue géographique, « Indiens des Plaines » s’intéresse à une zone comprise entre l’Ouest du Mississippi et les contreforts des Montagnes Rocheuses dans le sens Est-Ouest, entre le Canada (Alberta, Saskatchewan, Manitoba) et le Golfe du Mexique dans le sens Nord-Sud, zone peuplée durant des siècles par plus d’une trentaine de tribus dont les noms de certaines nous sont familiers (Apaches, Cheyennes, Comanches, Sioux) et d’autres moins (Yankton, Quapaw, Kiowa, Gros Ventre etc.).
Jusqu’à l’arrivée des Espagnols en 1540, la très grande majorité de ces tribus menait des vies sédentaires ou semi-nomades mais l’introduction du cheval par les conquistadors – animal absent du continent américain jusque-là – allait profondément modifier leur mode de fonctionnement de même que, plus tard, l’utilisation du fusil. Au centre de cette existence menée en harmonie avec la nature : le bison. Son extermination programmée par le colonisateur (de 20 millions en 1850, la population des bisons chuta à seulement 20 000 en 1885 et à moins de 1 000 en 1895 !) a fini de marquer le déclin du peuple indien, privé de sa ressource principale sur le plan comestible et vestimentaire. Restent aujourd’hui des vêtements et tentures magnifiques ainsi que des peintures et des effigies à la gloire de l’ancien roi des plaines dont l’élevage a repris : le cheptel nord-américain serait aujourd’hui de l’ordre de 450 000 têtes.
La visite s’ouvre d’ailleurs sur une note optimiste puisque la première section de l’expo est consacrée à la vie artistique contemporaine, période allant de 1965 à nos jours qui a permis aux descendants des Indiens des Plaines de trouver un mode d’expression à la fois moderne et enraciné dans leur culture à travers la peinture, le design, l’habillement et la décoration. On apprend au passage que la population indienne connaît une forte croissance démographique depuis les années 1960. Ceux que l’on appelle désormais aux Etats-Unis les « Native Americans » (les Américains natifs) étaient 5,2 millions en 2012, un chiffre qui devrait encore doubler d’ici 2060, selon l’Agence américaine de recensement.
L'imaginaire du western
Outre les œuvres d’art, dont quelques pièces vestimentaires absolument splendides (tuniques de peau aux couleurs vives, coiffes de plumes d’aigle, plastrons de perles et de dents), « Indiens des Plaines » fait également une belle place à l’image, à travers des photos de figures célèbres (comme Sitting Bull), à la cartographie (voir entre autres le tracé de la fameuse expédition Lewis et Clark de 1804-1806) et bien entendu au cinéma par le biais du western, genre qui connut son heure de gloire dans les années 1940-1960.
Grâce à des extraits de film choisis par le critique et historien du 7e art, Michel Ciment, et projetés dans une salle sur grand écran, on peut voir comment la représentation du méchant « peau rouge » du temps du cinéma muet a progressivement évolué vers le Sioux bienveillant de Danse avec les Loups, sorti en 1990. Une fois son séjour parisien achevé le 20 juillet, l’exposition s’envolera direction les Etats-Unis pour une sorte de retour aux sources en septembre au Musée Nelson-Atkins de Kansas City (Missouri) dont le conservateur, Gaylord Torrence, a conçu « Indiens des Plaines » avec minutie. Puis, en mars 2015, ce sera au tour du Metropolitan Museum of Arts de New York d’ouvrir ses portes à cette exposition dont le public français aura donc eu la primeur.