Vincent Limare, poids léger et grosses ambitions

Vincent Limare va pour la première fois de sa carrière représenter la France aux championnats d’Europe de judo du 24 au 27 avril à Montpellier. L’occasion de s’intéresser à cet espoir tricolore, qui s’est déjà illustré en devenant à la surprise générale champion de France en 2013. Rencontre.

Avec sa réputation de petit gars « bien sympathique », dixit ses entraîneurs, Vincent Limare est la nouvelle tête de gondole du judo français dans la catégorie des moins de 60 kilos. Mais Vincent Limare n’est pas que sympathique. À 21 ans, il a pour lui la jeunesse, l’ambition et la passion. Un cocktail nécessaire pour réussir dans le haut niveau d’un sport où la concurrence est rude.

Regard espiègle, esprit joueur

Pieds nus, bien calé dans son fauteuil, dans la salle d'entraînement de l’Insep*, à Vincennes près de Paris, le judoka se raconte avec flegme. Derrière les corps claquent sur le tatami. Dans le dojo, ses copains se « bastonnent » sous nos yeux. Teddy Riner transpire à grosses gouttes pour ne pas rater son grand retour, alors que Vincent Limare doit ronger son frein. Il a une main bandée : « Une petite blessure... Il faut que je me calme. Aujourd’hui, je vais juste faire un peu de technique », relativise le champion de France en titre.

Originaire de Normandie, c’est à l’âge de quatre ans que Vincent Limare enfile pour la première fois un kimono. « Pour faire comme mon frère qui était hyperactif. À deux ans et demi, j’allais le voir avec ma mère et je n’avais qu’une idée en tête : être à sa place, car je voyais qu’il s’éclatait avec ses potes ». Depuis, il n’a jamais quitté les tatamis et s’est essayé à la gymnastique quelques années en complément. « C’est bon pour la souplesse, c’est un sport complet ». Le sourire, la joie de vivre, la simplicité, c’est ce qui saute aux yeux dès les premières minutes de l’entretien avec ce poids plume.

Étonné par sa maturité

« C’est un bonheur de travailler avec ce petit jeune qui monte », lance Darcel Yandzi, un de ses entraîneurs, champion d’Europe en 1993 à seulement 19 ans. « Je suis étonné par sa maturité et je ne pensais pas qu’il allait aussi rapidement taquiner la place de numéro 1 français. Il a des qualités techniques et physiques. Surtout, on a une belle complicité tous les deux, car il aime titiller et moi aussi ». Oui, Vincent Limare est taquin. Et il ne faut pas chercher très loin pour s’en persuader.

À la façon dont Loïc Pietri, champion du monde en titre des moins de 81 kilos, se lance dans une longue tirade sur Limare, on peut en déduire que Darcel Yandzi dit vrai. « Il a un humour très particulier, il est très blagueur et il peut être très grossier avec ses amis, mais qu’avec ses amis », commente son pote Pietri, qui prend un malin plaisir à ne pas rentrer dans les détails tout en se retournant vers Limare, tranquillement assis au fond du dojo. On l’aura compris, les deux judokas qui se connaissent depuis quelques années s’apprécient. « C’est peut-être le gendre idéal, mais avec ses amis, il est usant. » Éclats de rires des deux côtés.

Évidemment conquérant

Plus sérieusement, Loïc Pietri, doigts de pied bandés, considère que Vincent Limare « a l’avenir devant lui » et qu'il peut dès cette année faire un podium européen, voire mondial. « Il lui faut le déclic et je pense qu’il l’aura. »

Même son de cloche du côté de Darcel Yandzi. « C’est un jeune qui promet, car il ne sort pas de nulle part. Il a été très bon dans la catégorie junior. »

Thierry Frémont, responsable de l’équipe de France masculine, a lui, tendance à mettre la pression sur le jeune Limare. « Il a gagné sa place et maintenant il doit être conquérant dans chacun des matches qu’il va faire. Il doit saisir sa chance pour assurer sa position. Rien n’est jamais acquis. Il doit enfoncer le clou en étant performant ». Mais comment ne pas l’être après tous les sacrifices effectués ? Cinq jours par semaine, en dehors de ses études de commerce, Vincent Limare ne cesse de répéter les gestes qui peuvent lui offrir un premier titre européen chez les séniors.

« Je ne suis pas le favori. Il ne faut pas se mentir, ça va être dur. Mais je ne suis pas inquiet, car j’ai beaucoup travaillé, commente Limare. Ce qui est important c’est maintenant. J’ai gagné les championnats de France et c’était l’étape obligatoire pour prétendre à autre chose, explique-t-il. Depuis que je suis petit, j’ai eu des résultats ».

« Il peut être régulier et il doit être régulier ! Le haut niveau, c’est la capacité à répéter les performances. Il a gagné en constance. Il doit gagner en confiance », prévient son entraîneur de club, Ludovic Delacotte. 

Bon copain dans la vie... pas sur le tatami !

Pour le commun des mortels, cette accumulation de souffrances sur le tatami peut paraître bizarre. Le judo est un sport traumatisant. Mais pour Limare, c’est une raison de vivre. « J’adore ce sport. Il y a du combat, mais avant tout de très bonnes valeurs. On est respectueux entre nous, c’est ce qui me plait. Même s’il y a beaucoup d’engagements... et de rivalités », assure ce Normand, qui n'hésite pas à vous taper dans le dos à la fin de l'entretien.

Entre les séances d'entraînement, l'adversité s'efface. Et Vincent Limare passe plus pour le bon copain, le petit gars de la bande. « Je suis très ouvert, j'aime les relations saines », glisse-t-il. « C’est un chambreur et moi aussi j’aime bien le taquiner. C’est un gars bien et j’espère qu’il va se révéler sur ce championnat. Il a passé un cap », affirme l'entraîneur Delacotte.

À Montpellier, le jeune homme sera à domicile. « Le public c’est important. Tu sais pourquoi tu fais tous ces sacrifices au moment où tu les entends t’encourager. Je travaille pour moi, mais c’est super d’avoir des gens qui te soutiennent. C’est sympa que mes premiers championnats européens se déroulent en France, à la maison ». Le 21 février dernier, Limare avait remporté la médaille de bronze lors du prestigieux tournoi de judo du Grand Prix de Düsseldorf. De quoi engranger de la confiance.

Si Vincent Limare fait une belle prestation à Montpellier, il pourrait s’ouvrir les portes des mondiaux qui auront lieu en septembre en Russie, à Tcheliabinsk. A lui de mettre à profit ses heures passées à répéter, inlassablement, les mêmes prises.

*Institut national du sport, de l'expertise et de la performance

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