La Crimée au cœur de la crise qui oppose Kiev et Moscou

Alors que la menace d'une intervention militaire continue de planer, les nouvelles autorités pro-russes qui ont pris le contrôle de la Crimée, ont décidé d'organiser un référendum sur le statut de cette région ukrainienne autonome. La consultation, dont le gouvernement ukrainien rejette la légalité, aura lieu le 16 mars.

Lors du référendum, il sera demandé aux électeurs s'ils souhaitent que la Crimée continue à faire partie de l'Ukraine ou s'ils préfèrent son rattachement à la Fédération de Russie, a dit le vice-Premier ministre de cette péninsule autonome qui rejette le gouvernement central qui s'est installé après les affrontements meurtriers du 20 février et la fuite du président Victor Ianoukovitch.

Guerre de l’information


Avec 59 % de la population russe, cette république autonome se sent plus proche de la Russie, géographiquement et culturellement. Il y a aussi des manifestations pro-russes dans d’autres régions, dans l’Est russophone et russophile, à Kharkiv, Donetsk, mais la situation y est plus contrastée. En Crimée, une grande majorité de la population est effrayée par ce qui s’est passé à Kiev. Pour le Kremlin, la révolution de l’"Euro Maidan" est « une révolte » qu’il ne peut pas cautionner. Il considère les nouveaux dirigeants du pays comme des terroristes, ayant pris illégalement le pouvoir, de surcroît manipulés par les puissances occidentales. Certains responsables russes n'hésitent pas à employer le terme de « fasciste » pour qualifier ceux qui ont pris le pouvoir à Kiev.

Une véritable guerre de l’information fait rage : rumeurs et contre-vérités se multiplient dans les deux camps. Les télévisions russes, regardées en Crimée, montrent des scènes de chaos dans la capitale ukrainienne, occupée, selon elles, par des groupes radicaux nationalistes armés - des groupuscules certes présents à Kiev et qui jouent un rôle, mais qui ne représentent pas la majorité. Les médias acquis à la cause du Kremlin, qualifient les manifestants – et les mots sont très forts - de « Nazis » qui voudraient faire oublier l’histoire et la langue russe aux habitants de Crimée.

Pression autour des casernes de l'armée ukrainienne

Arguant du fait que les citoyens russes de Crimée sont en danger, Moscou a lancé une opération militaire qui ne dit pas son nom. Des hommes visiblement très bien préparés militairement, ont pris le contrôle des aéroports, de plusieurs bâtiments administratifs dont le Parlement local, à Simféropol, la capitale de la région autonome de Crimée. Ces hommes, qui se disent pro-russes, ne portent aucun signe distinctif sur leurs uniformes, mais ils conduisent des véhicules de l’armée russe.

L'armée russe est présente en Crimée : la flotte de la mer Noire est basée dans le port de Sébastopol, loué jusqu’en 2042 par Moscou à l’Ukraine. Ces derniers jours, plusieurs milliers de soldats russes sont arrivés en renfort. Sur tout le territoire de la Crimée, la pression est vive autour des casernes de l'armée ukrainienne, où les militaires ont reçu pour consigne de ne pas résister : l’objectif étant de ne pas provoquer un incident qui pourrait être pris comme prétexte par les autorités russes pour mener une opération miliaire de grande ampleur, le Conseil de la Fédération, la Chambre-Haute du Parlement russe, ayant autorisé le recours à la force.

La Russie entretient des liens particuliers avec l’Ukraine, commerciaux, culturels et linguistiques. Les deux pays partagent un passé commun. Pour certains de ses habitants, l'appartenance de la Crimée à l'Ukraine relève d'un malentendu. L'autorité de Kiev a régulièrement été contestée par certains responsables régionaux et officiels russes. La Russie va donc continuer par tous les canaux d’asseoir son influence dans cette région.
De leur côté, les Tatars qui représentent 12 % de la population s’inquiètent d’un scénario « à la Géorgienne », lorsque Moscou s’était emparé en 2008 des provinces séparatistes d’Ossétie du nord et d’Abkhazie et qu’elle avait combattu les autorités de Tbilissi.

Le futur gouvernement ukrainien aura-t-il les moyens de contenter les régions pro-russes en vue d’éviter ces volontés sécessionnistes ? Il est primordial que les nouvelles autorités donnent des gages aux habitants des régions russophones, que leurs droits seront respectés quelle que soit la langue qu’ils parlent, la religion qu’ils pratiquent et l’église à laquelle ils sont rattachés.
De l’avis de beaucoup, à Kiev, le parlement nouvelle version à fait une erreur grossière en abrogeant la loi sur les langues régionales, qui octroyait au russe le statut de langue régionale dans les territoires où les russophones représentent plus de 10 % de la population. Le Premier ministre Arseni Iatseniuk a eu beau ensuite expliquer que les droits de la population russophone étaient protégés par la loi et la constitution, le président par intérim Olexandre Tourtchinov, refuser de signer l'abrogation de cette loi, le mal était fait. Il va falloir beaucoup de travail et du temps pour restaurer la confiance.

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