Alexeï Sorokine: «Le hooliganisme? Pas une menace pour la Coupe du monde»

A l'été 2018 (14 juin - 15 juillet), la Russie accueillera la XXIe Coupe du monde de football. Un défi à la taille du pays, un chantier dont le principal architecte est un diplomate de formation, polyglotte à l'allure de gendre idéal : Alexeï Sorokine, 45 ans. Plus discret que son médiatique supérieur Vitaly Mutko, le directeur général du Comité organisateur s'exprime rarement. En marge d'un événement promotionnel au Muzeon Park de Moscou, il a accepté de répondre à RFI en quinze minutes chrono. Le temps d'évoquer avec lui les questions autour de l'accueil de la compétition et du public. Plus que les installations – les stades sont tous prêts ou sur le point de l'être – c'est sur ce sujet que se concentrent les principales inquiétudes.

RFI : Dans un peu plus d'un an, la Russie accueillera la première Coupe du monde de football son histoire. Pour l'instant, à Moscou, les références sont encore assez discrètes. Sentez-vous la population concernée ?

Alexeï Sorokine : (Il semble étonné) Bien sûr ! La Coupe du monde est très populaire ici. Il y a une forte attente, les tickets se vendent bien. Les études montrent que plus de 70% des gens y sont favorables. Le meilleur exemple, c’est le nombre de candidatures de volontaires (bénévoles) enregistrées : autour de 170 000 demandes, c’est beaucoup plus que ce dont nous avons besoin. C’est aussi un record dans l’histoire de la Coupe du monde. Nous en sommes fiers.

Le principal chantier pour votre Comité d’organisation sera sans doute d’accueillir la planète. 32 équipes, plus d’un million de visiteurs étrangers attendus. Un sacré défi, non ?

(Il sourit) Un défi ? Pourquoi ? C’est un plaisir, un honneur ! Quand vous invitez quelqu’un chez vous pour un anniversaire ou une fête, ça n’est pas un défi, non ?

Ça peut l’être… Les supporters russes ont une réputation exécrable depuis les incidents de Marseille, en marge de l’Euro 2016. Craignez-vous de voir ce genre de scènes se reproduire ici ?

(Il marque une pause) Ça n’est pas une menace pour nous. Tous les risques possibles – hooligans, terroristes - ont été pris en compte, évalués. Nous avons un dispositif de sécurité très précis, très développé… Tout sera organisé selon les standards caractéristiques d’une Coupe du monde. Avec le déploiement du « Passeport Fan » (NDLR : un document nominatif indispensable pour accéder aux stades), nous connaitrons l’identité de tous ceux qui vont assister aux rencontres. Cette Coupe du monde se déroulera dans un climat très sain, très sûr.

Le gouvernement a récemment voté une loi anti-hooligan. Elle prévoit de durcir les sanctions, de renforcer les contrôles. La police sera très mobilisée. Mais si des petits groupes d’énervés veulent en découdre dans les rues, comment les contrôler ?

(Il se crispe légèrement) Je ne vois pas de quels groupes vous parlez. Il y a des matchs tous les jours ici, et je n’en vois pas dans ou autour des stades. Nous organisons énormément d’évènements sportifs en Russie et tout se passe bien, sans incident, sans violence. Nous avons beaucoup d’expérience à ce niveau-là.

J’évoquais cette inquiétante déclaration faite à la BBC par un homme se présentant comme membre des « Orel Butchers », un groupe impliqué dans les événements de Marseille. Il promet un « festival de violence », précisant que les Anglais sont notamment visés...

Cette personne est très étrange... Ce sera plutôt un vrai festival de football. Je peux vous l'assurer.

Autre défi pour votre comité d’organisation : les incidents racistes (chants, jets de banane, cris de singes, banderoles). Ils se sont multipliés ces dernières années dans le championnat de Russie…

(Il coupe) Je ne peux pas accepter cette étiquette qu’on colle aux supporters russes. C’est une généralité. Il y a des fans différents comme en Grande-Bretagne ou en France. Et il y a surtout de vrais amateurs de football ici.

La dernière étude (SOVA – FARE, 2016) comptabilise pourtant 92 incidents racistes ou xénophobes pour la seule saison 2014 -2015. C’est un chiffre important.

Ce sont des incidents isolés, des exceptions, tout sauf une tendance. Nous n’en avons pas vu un seul depuis maintenant plusieurs mois. Cela veut dire que la situation s’améliore.

Considérez-vous le problème comme réglé en vue de la Coupe du monde ?

Le problème n’est pas réglé, en Russie, comme ailleurs. Là où il y a du football, il peut y avoir des actes de racisme, de hooliganisme. Si quelqu'un décide d’utiliser un stade comme scène pour son « spectacle » solo, c’est très difficile de l’en empêcher… Mais ça ne représente pas une tendance. La Russie est une patrie multinationale, tolérante, différentes religions, différentes cultures coexistent. D’ailleurs, cette Coupe du monde pourra certainement dissiper certains stéréotypes sur notre pays. Les gens doivent venir ici pour vivre leur propre expérience plutôt que de se fier à des avis extérieurs parfois biaisés.

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