Demandeurs d'asile: le quotidien d'une famille syrienne en Bavière

Il y a un an, Angela Merkel s’était engagée à accueillir près d’un million de réfugiés avec son célèbre « Wir schaffen das » (« On y arrivera »). A quoi ressemble aujourd'hui le quotidien des réfugiés et demandeurs d’asile sur le sol allemand ? Quels sont leurs projets et les difficultés rencontrées ? Rencontre avec une famille syrienne arrivée en Allemagne en juin dernier.

L’odeur des carottes au curry embaume l’air. Les champignons crépitent dans la poêle, Ibtisam égoutte le riz, Wisam surveille la cuisson du poulet. Une Erythréenne fait cuire du chou tandis que son voisin pakistanais découpe des pommes de terre dans la cuisine commune. « Qu’est-ce que tu prépares ? Ca sent bon », s’exclame John, un Nigérian d’une trentaine d’années. « Dès que vous cuisinez, pensez à moi, ok ? » plaisante-il. A Traunreut, une petite ville industrielle de Bavière, une centaine de Syriens, Afghans, Pakistanais, Nigérians et Erythréens sont logés dans le centre d’accueil pour demandeurs d’asile depuis la fin juillet. Parmi eux, Wisam, Nagam et leur mère, Ibtisam, emmitouflées dans leurs hijabs. Venus, la plus jeune, ne porte plus le voile depuis qu’elle a mis les pieds en Allemagne. Après être passée par Füssen et Munich, la famille Daas est arrivée ici à la mi-août.

Sur place, les familles disposent de deux chambres contiguës de quatorze mètres carrés avec : deux petits lits, une table, un réfrigérateur et deux à trois casiers de rangement dans chaque pièce. Les toilettes, salles de bain et cuisines sont communes. « Ca fait du bien d’avoir enfin un chez-soi, souffle Wisam. Traunreut, c’est notre ville maintenant ». Après quatre mois bloquée en Grèce, la petite famille respire enfin.

Pour traverser la ville et faire leurs courses, les demandeurs d’asile se déplacent avec des vélos d’occasion, achetés dix euros dans une boutique. Et les sœurs Daas n’hésitent pas à les prêter à leurs voisins nigérians. « German style », s’amuse Wisam en enfourchant sa bicyclette violette, suivie par ses deux sœurs. Le dernier jour du mois, elles viennent chacune retirer les 320 euros d’allocation mensuelle reversés par la Bavière à ses demandeurs d’asile.

Des obstacles à surmonter pour s'intégrer

8h15 ce lundi au pied de l’église de Traunreut. Alors que la petite ville bavaroise s’éveille doucement, une vingtaine de personnes se presse contre la porte arrière de l’édifice. Tous attendent l’arrivée de la bonne sœur pour la distribution de vêtements. « Il commence à faire froid et nous n’avons pas d’affaires pour l’hiver », explique Wisam. Les Syriennes s’installent dans la file d’attente. Quand vient le tour de Venus, une Bavaroise d’un certain âge la pousse et l’interpelle violemment : « Tu es Syrienne, je suis Allemande, tu n’as rien à faire ici », s’emporte-elle. Brigitte, une bénévole allemande d’une cinquantaine d’années, leur explique les craintes de certains habitants : « Les plus démunis ont peur de perdre le peu qu’ils ont avec l’arrivée des réfugiés. » Wisam ne s’inquiète pas : « C’est parce qu’ils ne nous connaissent pas encore », veut-elle croire, résolument optimiste.

Pour s’intégrer, l’apprentissage de l’allemand est essentiel. A Traunreut, il peut s’avérer compliqué : « Les cours officiels, prodigués par des professionnels, sont tous complets », explique Brigitte. La bénévole a contacté des habitants désireux d’aider les nouveaux arrivants, comme Christa qui donne un cours d’une heure d’allemand deux fois par semaine au centre d’accueil. Lorsque le Wi-Fi fonctionne, les jeunes femmes regardent des vidéos en allemand sur YouTube et utilisent des applications d’apprentissage linguistique sur leurs smartphones. Wisam a même transformé son carnet de dessins en cahier de révisions et affiché le vocabulaire quotidien à côté de son lit.

La jeune femme de 28 ans n’a qu’une hâte : obtenir le statut de réfugié pour commencer à travailler. A Palmyre, en Syrie, elle formait les futurs enseignants. « J’aimerais exercer un métier en rapport avec ma formation et pourquoi pas peindre davantage et ouvrir une galerie d’art ? », s’enthousiasme Wisam. « Un ami m’a parlé d’un poste de professeur d’arabe dans une école privée à Munich, affirme-t-elle, mais je dois d’abord apprendre l’allemand ». Même constat pour Venus, 20 ans, qui souhaite « apprendre la langue et poursuivre ses études » de psychologie. De son côté, Nagam veut s’engager « dans une organisation qui lutte pour les droits des femmes ». Quant à Ibtisam, la mère, elle n’aspire qu’à retrouver son fils Ali, resté à Athènes. Pour réaliser ses rêves, la famille Daas va devoir s’armer de patience.

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