En 2003, dans une grotte de l’île indonésienne de Liang Bua (Florès), des archéologues mettent au jour un squelette fossilisé presque complet de celui qu’ils nommeront l’homme de Florès. Sa taille, un mètre, et la petitesse de son crâne par rapport à son corps, lui vaut le surnom de « hobbit », du nom des petits personnages du Seigneur des anneaux de Tolkien.
Le secret de la mandibule
Les scientifiques s’interrogent alors sur ses origines, le pourquoi de sa petite taille et les raisons pour lesquelles il semble avoir vécu exclusivement sur cette île de Liang Bua. Certains pensent que l’homme de Florès serait un descendant de petits Homo habilis ou de petits australopithèques venus d’Afrique.
D’autres paléontologues penchent plutôt pour un Homo erectus qui, en s’adaptant à des ressources peu abondantes, aurait vu sa taille se réduire de génération en génération. On en était là des spéculations quand l’équipe dirigée par Yousuke Kaifu (Musée national de la nature et des sciences, Ibaraki, Japon), annonce le 8 juin 2016 dans la revue britannique Nature, avoir trouvé en 2014 de nouveaux fossiles, toujours sur l’île de Liang Bua.
Cette fois, la découverte d’une mandibule et de dents provenant d’au moins trois individus, considérée par les scientifiques comme un trésor, permet déjà d’aller plus loin dans la connaissance du « hobbit » indonésien.
C’est bien notre ancêtre
Localisée à Mata Mengue, à 100 kilomètres à l’est de la grotte de Liang Bua, la mâchoire serait 20 % plus petite que celle de l’homme de Florès. Ce qui suppose que l’individu auquel elle appartenait mesurait moins d’un mètre. Mais avant de généraliser à toute une population, les scientifiques indiquent qu’il faudra disposer d’autres spécimens.
De plus, selon une autre étude publiée également dans Nature par Adam Brumm de l’université de Wollongong en Australie, institution à laquelle appartenait déjà Mike Morwood, le premier découvreur du petit hominidé en 2003, les ossements de Mata Mengue dateraient d’environ 700 000 ans.
Cette datation élimine du même coup l’hypothèse selon laquelle l’homme de Florès serait un descendant de sapiens malade, puisque Homo sapiens n’est apparu que bien plus tard sur Terre. De plus la forme de la mâchoire ainsi qu’une molaire trouvée à Mata Mengue, évoque une lignée directe avec Homo erectus, notre propre ancêtre.
Petits, mais solides
Même pour Adam Brumm, la surprise est énorme. Selon ce scientifique, « l’Homo Floresiensis est une espèce très ancienne qui a acquis sa petite taille très tôt, explique-t-il à l’AFP, peut-être peu de temps après son arrivée sur l’île, il y a un million d’années ».
La théorie selon laquelle l’homme de Florès aurait acquis son nanisme pour s’adapter à son environnement où les ressources alimentaires étaient rares se trouve donc renforcée par ces dernières découvertes. Vient encore renforcer cette hypothèse, le fait que des espèces d’éléphants vivant sur l’île à la même période, avaient la taille de cochons.
La longue survie de l’homme de Florès montre en tout cas que sa petite taille ne doit pas être associée à une notion de faiblesse. Les « hobbits » auraient en effet peuplé leur île pendant au moins 650 000 ans. Cela en fait finalement de sacrés gaillards, malgré leur taille réduite, surtout si on les compare à l’homme de Néandertal qui a disparu après environ 200 000 ans.
L’énigme du voyage
Les archéologues qui se sont penchés sur cet extraordinaire hominidé ne sont pas encore au bout de leurs recherches. Ne serait-ce que pour expliquer comment les « hobbits » de Florès sont parvenus sur leur île. On sait par contre qu’à l’époque le niveau des océans était plus bas et qu’il était possible d’atteindre certaines îles indonésiennes à pied, comme Java, mais pas l’île de Florès bien trop éloignée.
Y seraient-ils parvenus en naviguant alors ? Les dernières découvertes sur le site de Mata Mengue ont bien mis au jour des outils. Mais aucun d’entre eux ne montre un degré d’avancement technique compatible par exemple avec la construction de bateaux ou même de simples radeaux.
En fait, selon les archéologues, les outils découverts sur place montrent que leurs caractéristiques n’ont pas évolué au fil des siècles ce qui est rare sur une si longue période et même, que certaines technologies ont disparu. On pourrait y voir la conséquence d’une population absolument isolée qui n’a donc pas pu bénéficier des apports d’autres cultures.