Rien de ce qui touche à la mode n’est étranger à la France. Et tout ce qui touche à la mode peut enflammer l’Hexagone. L’arrivée aux premiers beaux jours de modèles de vêtements dits « pudiques » vient de le démontrer à nouveau.
Propos offensants
Des enseignes comme Uniqlo, Mango, H&M ou Marks & Spencer proposent en effet des tenues destinées aux femmes musulmanes. Burkini (maillot de bain intégral) ou hijab (foulard couvrant les cheveux), le vestiaire proposé par ces marques populaires a même réussi à éclipser le reste des vitrines.
Ces marques très populaires sont accusées « de faire la promotion de l’enfermement du corps des femmes », par Laurence Rossignol la ministre chargée des Droits des femmes. Quand on lui rétorque que c’est aussi le choix de certaines femmes de porter ces tenues, la ministre réplique « qu’il y avait [aussi] des nègres afr…, américains qui étaient pour l’esclavage ». Ces propos jugés offensants, stigmatisants, Laurence Rossignol les retire et présente ses excuses, mais maintient ses déclarations sur le port du voile.
La mode islamique est un marché comme un autre disent les commerçants qui s’engouffrent depuis quelques années dans ce créneau porteur. La demande étant là, ils y sont aussi. Des cabinets spécialisés ont évalué à 266 milliards de dollars les dépenses des musulmans consacrées aux vêtements dans le monde. Un chiffre qui a de quoi motiver les marchands quand on sait qu’il pourrait atteindre 484 milliards en 2019.
Un marché comme un autre
Fin 2015, le créateur italien Dolce & Gabbana avait lancé une ligne baptisée Abaya destinée à sa riche clientèle moyen-orientale, mais aussi européenne. Tout de luxe et de voiles pailletés, la collection Abaya avait eu certes écho médiatique. Mais comparé à l’éclat que suscite la ligne « décente » des H&M et autres Mango ou Uniqlo, ce ne fut qu’un soupir. Peut-être est dû au fait que la mode de ces enseignes populaires est justement destinée au plus grand nombre alors que Dolce & Gabbana n’habillera jamais que les nantis.
Les marques visées bottent en touche. « Nos collections permettent à chacun d’habiller sa personnalité, mais n’encouragent pas un choix de mode vie en particulier », se défausse le suédois H&M. Quant au britannique Marks & Spencer, il se contente de souligner que ses désormais fameux burkini (contraction entre burka et bikini) couvrant tout le corps à l’exception du visage, des mains et des pieds, sont à son catalogue depuis plusieurs années. La mode islamique est un marché comme un autre affirment ces commerçants et la demande étant là, ils y sont aussi.
Cela ne change rien pour la philosophe féministe Elisabeth Badinter qui a appelé au boycott des marques occidentales vendant des tenues islamiques. Au passage elle a aussi dénoncé les « islamo-gauchistes », « certes une minorité, mais influente et largement relayée par de grands médias et journalistes de gauche…».
A l’opposé, des voix musulmanes se sont étonnées de la virulence de ce débat à un moment où la France « combat le terrorisme » n’a-t-elle pas mieux à faire que de « stigmatiser les femmes musulmanes », s’est insurgé Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire contre l’islamophobie et vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Mais, comme à chaque fois que la question du voile ou du libre choix des femmes surgit en France, les oppositions sont vives.
La sénatrice Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV), Ester Benbassa, accuse quant à elle la ministre Laurence Rossignol d’« ignorance » du sujet qu’elle aborde. Dans une tribune que publie Libération le 6 avril, l’écologiste s’en prend aussi au « féminisme sélectif » d’Elisabeth Badinter. « Les musulmanes pratiquantes n’auraient donc pas le droit de disposer librement de leur corps » en revêtant par exemple des tenues islamiques, interroge la sénatrice, ne craignant aucun paradoxe.
Esther Benbassa interpelle encore Laurence Rossignol en l’incitant à « reconnaître que toutes les femmes qui portent les jupes courtes et les vêtements sexy imposés par le mode (souvent créée par des hommes) ne sont pas non plus spécialement “ émancipées ” ».
Peut-être, mais le qualificatif de « décente » accolée à cette mode dite islamique, renvoie à tout ce que ce terme inclut et exclut. Jean-Luc Mélenchon, le fondateur du Parti de Gauche, le trouve tout simplement « insupportable ». « Les autres manières de s’habiller sont donc indécentes ? », interroge-t-il. Jean-Luc Mélenchon ne manque pas non plus d’épingler tous ces marchands « qui se sont approprié la religion musulmane pour en faire du fric ».
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La mode islamique: libre, instrumentalisée ou rétrograde ?
Les invitées de 7 milliards de voisins du 12 avril 2016
Karima Peyronie, c'est quoi porter le voile ?
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C'est quoi la mode islamique, Marie-Jeanne Serbin-Thomas ?
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