Qu’est-ce, au fond, qu’être francophone ? Comprendre le français, le parler, le lire, l’écrire… mais pour quel type de conversation ?
Quand les enquêteurs de l’institut de sondage TNS Sofres se rendent dans les foyers africains pour les interroger sur leurs habitudes de vie et leur niveau d’équipement, ils finissent, à l’issue de la discussion d’une heure qu’ils ont eue avec la personne interrogée, par répondre eux-mêmes à une question simple : « Dans quelle langue avez-vous posé ce questionnaire : dans une langue locale, en français, ou à la fois en langue locale et en français ? »
C’est un moment de vérité qui en dit long sur le niveau réel de la population interrogée et sur son recours à la langue française quand il s’agit de « passer aux choses sérieuses ».
Deux groupes de pays
Les résultats à cette question dessinent clairement deux groupes de pays. Le premier est celui dans lequel le français reste la principale langue d’échange. Au Gabon, 96% des personnes interrogées ont répondu à la totalité de l’entretien en français, 95% au Cameroun, 90% en Côte d’Ivoire.
Le deuxième groupe de pays est celui où le français cohabite avec des langues locales fortes. Au Mali 69% des personnes répondent au sondage en langue locale, 76% au Sénégal, 59% au Niger.
La République démocratique du Congo présente une situation d’entre deux : 25% des personnes interrogées ont répondu au sondage en français, 39% en langue locale, 37% ont éprouvé le besoin de passer du français à une langue locale pour certaines questions.
Sur les sept pays qui ont été suivis dans le cadre de cette enquête Africascope, les femmes ont plus fréquemment répondu en langue locale que les hommes (83% vs 69%). Les messieurs ont plus eu tendance que les dames à mêler français et langue locale au cours de l’entretien (29% vs 16%).
Métissages à l’œuvre
L’enquête de TNS Sofres montre également des décalages de génération dans certains pays. Au Sénégal, au Mali, au Niger, les moins de 40 ans sont plus enclins que leurs aînés à associer français et langue locale dans leur réponse au sondage.
Ces différents chiffres montrent bien les métissages à l’œuvre dans la pratique du français en Afrique dite « francophone » : 27% des personnes interrogées par TNS Sofres dans le cadre de son enquête sont passées d’une langue à l’autre en cours d’entretien au Mali, au Niger, 37% en République démocratique du Congo.
Africascope 2015 témoigne enfin de différences entre capitales et villes de l’intérieur. Au Gabon, les populations interrogées sont plus fréquemment passées du français à une langue locale dans la ville d’Oyem tout au nord du pays. A Korhogo dans le nord de la Côte d’Ivoire, 44% des personnes interrogées ont préféré répondre en langue locale. 41% à Garoua dans le nord du Cameroun.