L’incroyable procès Savtchenko, une pilote ukrainienne jugée en Russie

Appels sur l’actualité nous éclaire sur le sort de Nadejda Savtchenko, cette pilote ukrainienne accusée par la Russie d’avoir participé, en juin 2014, à l’assassinat de deux journalistes russes dans l’est de l’Ukraine. Son procès a commencé le 22 septembre, en Russie. Mais Savtchenko ne bénéficie pas du statut de « prisonnier de guerre ». Jugée comme « criminelle de droit commun », elle risque vingt-cinq ans de prison. Ses avocats espèrent que la pression internationale pèsera sur le verdict.

Pour quelle raison les journalistes russes ont-ils été attaqués ?
Les journalistes russes Igor Korneliouk et Anton Volochine, de la chaine VGTRK, ont été tués par un tir de mortier, le 17 juin, près de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine. Selon le Comité d’enquête, Nadejda Savtchenko avait repéré les journalistes russes et transmis leurs coordonnées aux combattants du bataillon de volontaires ukrainien Aydar. Ces coordonnées ont été utilisées pour ajuster un tir de mortier et tuer les journalistes. Le comité d’enquête avait, d’ailleurs, dans un premier temps accusé la pilote de « complicité de meurtre »,  avant finalement de l’accuser d’être « co-exécutrice d’un meurtre prémédité ».

Quelle était sa motivation de cette pilote ukrainienne ?
Nadejda Savtchenko aurait « la haine des Russes ». Mais, détail important que mettent en avant les avocats de la pilote, les Russes disent que les journalistes étaient avec un groupe de civils, alors que les Ukrainiens affirment qu’ils accompagnaient des combattants séparatistes – ce qui voudrait dire que les journalistes ont été les victimes collatérales d’une action militaire. Ces avocats affirment que le tir de mortier a fait aussi des victimes parmi les combattants et ils disent en avoir la preuve, grâce aux images du caméraman Viktor Denisov, seul survivant de l’équipe TV. Ils estiment que dans ces circonstances, Nadejda Savchenko devrait être considérée comme prisonnier de guerre, et qu’elle ne devrait pas être jugée comme prisonnier de droit commun, ce qui est le cas actuellement. En tant que prisonnier de guerre, elle dépendrait de la convention de Genève et aurait d'autres droits. Par ailleurs, les avocats disent avoir également la preuve qu’à l’heure du tir meurtrier contre les journalistes, Nadejda Savtchenko était capturée par les séparatistes.Quant à elle, elle nie farouchement quelque rapport que ce soit avec le tir meurtrier : « Je suis un pilote, pas un artilleur, dit-elle. Je suis un soldat, pas une meurtrière. »

Rappelez-nous la situation des journalistes dans le Donbass ?
Entre février et août 2014, six journalistes ont été tués dans le Donbass d’après Reporters sans frontière, dont les chiffres font apparaître que c’est la troisième région du monde où il y a eu le plus de victimes journalistes - après la Syrie et la Palestine.

Pourquoi le procès se passe-t-il en Russie et non pas en Ukraine ?
Le procès se passe en Russie, car Nadejda Savtchenko a été inculpée en Russie. En Ukraine, elle fait partie de l’armée, et les Ukrainiens n’ont rien à lui reprocher. Au contraire, elle est très populaire, elle a même été élue députée après son arrestation. Côté russe, les autorités affirment qu’elle a été arrêtée le 9 juillet sur le territoire russe. Elle aurait franchi la frontière en fraude et aurait été reconnue, alors qu’elle présentait ses papiers pour se faire passer pour une réfugiée. Elle affirme, elle, qu’elle a été capturée par les séparatistes, puis livrée aux Russes. Cette version ne fait guère de doute puisque les séparatistes eux-mêmes ont diffusé une vidéo de son interrogatoire, le 19 juin 2014. Les séparatistes auraient peut-être pu la garder prisonnière à Lougansk, mais pour la Russie, elle constitue une monnaie d’échange extrêmement précieuse.

Est-elle soutenue à l’extérieur de la Russie ?
Pour les ONG, mais aussi pour les Américains et les Européens, qui demandent sa libération, c’est une prisonnière politique.Elle est également considérée comme telle par certaines ONG russes. Pour les Ukrainiens, elle est devenue un symbole patriotique et le président Porochenko met son cas en avant lors des rencontres internationales sur le dossier du Donbass. Le parlement ukrainien l'a désignée comme représentante de l'Ukraine à l'Assemblée parlementaire du Conseil de  l'Europe qui se tient à Strasbourg. L'ACPE a demandé sa libération et estime qu'elle doit bénéficier de l'immunité parlementaire. Son procès est prévu pour durer jusqu'à fin octobre. Il a lieu dans une petite ville qui s'appelle Donetsk - comme la ville ukrainienne - à la frontière avec l'Ukraine. Il faut deux heures d'avion et deux heures de route pour s'y rendre. Les avocats y voient la preuve que les autorités russes veulent éviter la présence de nombreux témoins à ce procès.

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