Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov toujours en prison à Moscou

Opposé à l’annexion de la Crimée, le cinéaste Oleg Sentsov avait été arrêté voici un an à Simferopol, accusé de « terrorisme » puis incarcéré à Moscou où un tribunal a prolongé sa détention préventive jusqu’au 11 juillet. Le 10 juin 2014, des cinéastes du monde entier dont Pedro Almodóvar, Ken Loach, Volker Schlöndorff, Bertrand Tavernier et Andrzej Wajda avaient pourtant adressé une pétition au président Poutine, demandant la libération du réalisateur ukrainien.

Oleg Sentsov est né le 13 juillet 1976 à Simferopol, en Crimée. En 2011, il réalise son premier long métrage, Gaamer, l’histoire d’un jeune Ukrainien fan de jeux vidéo, qui finit par ne plus savoir où s'arrête le virtuel et où commence la vie réelle. Le film, projeté au Festival international de Rotterdam en 2012, rencontre le succès. Oleg Sentsov obtient ainsi des financements pour un nouveau long métrage.

Le tournage doit avoir lieu pendant l’été 2014. Mais en novembre 2013, débute le mouvement de Maïdan en Ukraine. Oleg Sentsov s’engage dans le mouvement de protestation. Quand les Russes interviennent en Crimée, Oleg Sentsov est dans la presqu’île. Il manifeste contre l’annexion de la Crimée et déclare ne pas reconnaître le rattachement de la Crimée à la Russie.

Accusé de terrorisme

Le 11 mai 2014, le FSB annonce son arrestation en compagnie de trois autres Ukrainiens, Gennady Afanasyev, Alexei Chirnigo et Oleksandr Kolchenko. Ils sont accusés d’avoir préparé des attentats terroristes contre des bâtiments de Simferopol, Yalta et Sébastopol. Ils auraient visé des voies de chemin de fer, des ponts, ainsi que le mémorial de Lénine à Simféropol, des bâtiments administratifs et le siège du parti présidentiel « Russie unie ».

Après une détention de trois semaines, les quatre hommes sont officiellement inculpés d’appartenance à une organisation terroriste, en l’occurrence le mouvement ukrainien Pravy Sektor (« secteur droit »).

Autant d’accusations que le cinéaste réfute. Mais depuis, le département chargé de l’Ukraine au sein du Comité d’enquête, l’instance russe d’investigation pour les crimes les plus graves, a ajouté d’autres chefs d’accusation tels que : acquisition, transport et stockage d’armes et d’explosifs. Oleg Sentsov est accusé d’avoir été à la tête de ce groupe de terroristes et il risque jusqu’à vingt ans de prison.

Soupçon de torture

Bien que la date officielle de son interpellation soit le 11 mai, Sentsov a été arrêté la veille. Selon ses dires, il aurait été malmené, et même battu  par les agents qui l’ont interpellé afin d’obtenir des aveux de sa part. Les enquêteurs affirment d’ailleurs qu’il a avoué. De son côté, le réalisateur a déclaré, lors d’une audience, que les accusations contre lui sont basées sur le témoignage de deux suspects qui auraient parlé sous la torture. Amnesty International a demandé une enquête sur les allégations de torture.

Le président ukrainien Porochenko lui a symboliquement accordé une décoration. Mais les autorités consulaires ukrainiennes ne sont pas autorisées à visiter Oleg Sentsov, bien qu’il soit détenteur d’un passeport ukrainien et n’ait jamais procédé au changement de citoyenneté. Mais en tant que « Criméen », il est considéré par les autorités russes comme un citoyen de la Fédération de Russie. De ce fait, il ne peut pas non plus entrer dans le cadre des échanges de prisonniers prévus par les accords de Minsk. Son avocat, Dimitri Dinze, a fait appel de la situation de son client devant le Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Soutenu par le monde du cinéma

Le 10 juin 2014, des cinéastes du monde entier, Pedro Almodóvar, Roberto Benigni, Stephen Daldry, Agnieszka Holland, Aki Kaurismäki, Mike Leigh, Ken Loach, Antonio Saura, Volker Schlöndorff, Bertrand Tavernier et Andrzej Wajda ont adressé au président Poutine une pétition demandant la libération du réalisateur ukrainien. L’Académie européenne du cinéma rappelle la situation d’Oleg Sentsov lors des festivals afin que son nom ne tombe pas dans l’oubli.

Même le réalisateur russe Nikita Mikhalkov, très proche du président Poutine, a lancé un appel à la clémence lors de la cérémonie d’ouverture du Festival de cinéma de Moscou l’année dernière. En vain. La détention du réalisateur vient d’être prolongée jusqu’au 11 juillet prochain. 

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