Enfants placés: une page bien sombre de l’histoire suisse

De scandaleuses pratiques ont été dévoilées en Suisse concernant des dizaines de milliers d’enfants. C’est l’ouverture des archives au public - menées jusqu’en 1981 - qui a permis de confirmer les affirmations des victimes qui dénonçaient dans une quasi-indifférence jusqu’ici les sévices infligés. De quoi ébranler la bonne conscience traditionnelle du peuple suisse.

L’affaire fait grand bruit. Au point que la présidente de la Confédération helvétique a publiquement demandé pardon et présenté les excuses de la Nation. La Suisse s’est engagée dans un difficile devoir de mémoire et elle est contrainte d’envisager des restitutions financières en faveur des rescapés encore en vie.

« Le dossier de la honte », c’est ainsi que la presse nationale le qualifie. Il établit que des dizaines de milliers d’enfants - on parle de 20 000 et d’aucuns agitent le nombre de 100 000 - ont été placés de façon autoritaire qui dans des fermes, qui dans des familles dites vertueuses, qui dans des institutions religieuses où ils furent maltraités physiquement, moralement, sexuellement abusés et exploités à l’extrême.

Le scandale est sur la place publique

Selon certains historiens, de la fin du XIXe siècle à 1981, ce serait en fait des centaines de milliers de gosses qui auraient ainsi été séparés de leurs familles, parce qu’elles étaient pauvres et jugées incapables de les élever proprement. La Suisse s’était efforcée jusqu’ici de jeter un voile pudique sur cette affreuse histoire, de cacher les faits et de faire taire les rescapés, qualifiés le plus souvent d’affabulateurs. Désormais, ces derniers ont accès à leurs dossiers et le scandale est sur la place publique.

Ces révélations nous apprennent que la plupart des enfants ont vécu un cauchemar. Les autorités ont agi à l’encontre des marginaux, des filles-mères, des femmes dites de mauvaise vie ou tout simplement des plus pauvres de la société. Sans possibilité de recours, leurs enfants leurs ont été arrachés pour soi-disant leur assurer une vie meilleure. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Beaucoup ont été traités en garçons de ferme corvéables à merci, parqués avec le bétail, non pas en membres de la famille mais davantage en petits esclaves.

Dans les maisons de redressement, c’est à la dure qu’ils ont été élevés, soumis là aussi à la maltraitance, voire aux sévices. D’autres ont été confiés à des institutions religieuses où, racontent-ils, ils ont été violés régulièrement par les prêtres. Personne ne s’étant insurgé, la pratique s’est répandue des années durant.

Des gestes de réparations sont-ils envisagés par l’Etat ? Au-delà des regrets officiels, une initiative populaire a été lancée en vue de la création d’un fonds. Le gouvernement est acquis à l’idée d’une réparation financière. Chaque personne encore en vie toucherait quelque 25 000 euros, le détail de la compensation restant à fixer. Parallèlement, des enquêtes seront menées pour faire toute la lumière sur cet aspect de cette page bien sombre de l’histoire suisse.

Voir le dossier du magazine Temps présent

 

Partager :