Centrale de Fessenheim: une dangerosité qui s'accroît avec l'âge

Dans Appels sur l’actualité, nos auditeurs s’interrogent sur l'éventuelle fermeture de Fessenheim, une promesse de campagne du candidat François Hollande. La catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011, au Japon, suite à un séisme suivi d’un tsunami sur la côte Pacifique, avait fait prendre conscience de la dangerosité de l’industrie nucléaire.

Pourquoi la centrale de Fessenheim, la plus ancienne centrale nucléaire française, est-elle toujours en service ?
Il faut rappeler que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim – 900 MW chacun – sont construits le long du Grand Canal d’Alsace sur une zone sismique inondable puisqu’elle se trouve à 9 mètres sous le canal, non loin des frontières allemande et suisse. Depuis sa mise en service le 1er janvier 1978, les anti-nucléaires, très nombreux dans les trois pays, demandent son démantèlement, la qualifiant de « dangereuse ». Une dangerosité qui s’est accrue avec l’âge. On constate de nombreuses pannes qui occasionnent des arrêts temporaires comme ce fut le cas encore le 1er mars dernier. Mais la centrale est aussi source d’emplois, et localement les avis sont donc partagés.

Qu’en est-il des promesses de campagne de François Hollande, qui avait annoncé sa fermeture pour fin 2016 ?
Ce n’est pas fait pour au moins trois raisons. D’abord, des raisons financières. Suite à la catastrophe de Fukushima, l’Autorité de sûreté nucléaire a exigé la mise aux normes « post-Fukushima » de l’ensemble du parc nucléaire français. Pour cette mise aux normes, qui s’ajoute aux travaux consécutifs à la visite de sûreté effectuée tous les dix ans, EDF, l’exploitant, a dépensé 321 millions d’euros en quatre ans et continue à investir comme si la centrale n’allait pas fermer. En cas de fermeture, EDF pourrait donc demander un fort dédommagement à l’Etat. Deuxièmement, d’un point de vue législatif, l’Etat ne peut pas décider de fermer une centrale exploitée par EDF sans une disposition particulière, attendue mais qui ne figure pas dans la « loi de transition énergétique » en fin de discussion au Parlement. C’était un engagement de Jean-Marc Ayrault, ex-Premier ministre de François Hollande, qui avait d’ailleurs créé par décret un poste de délégué interministériel à la fermeture de Fessenheim. Troisième et principale raison : l’opposition du très puissant lobby nucléaire français, dont on voit l’effet sur la loi en discussion. Les députés avaient fixé un plafonnement de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité qui obligeait à fermer une centrale pour en ouvrir une autre, mais le Sénat a relevé ce seuil pour permettre l’ouverture de nouvelles centrales. 

Quelle est l’alternative proposée aux salariés de Fessenheim après la fermeture (éventuelle) de la centrale ?
Le délégué interministériel, Jean-Michel Malerba, indique que sur les 1 600 à 1 700 emplois générés par la centrale, 850 sont des agents EDF qui seront redéployés sur d’autres sites, sans licenciement ; 300 personnes environ sont des sous-traitants, dont une vingtaine pourrait perdre plus de 5% de leur chiffre d’affaires. Ce qui reste correspond aux emplois induits, comme les commerces notamment, et cela touche surtout la commune de Fessenheim elle-même. La reconversion de la centrale nucléaire en un autre type de production d’énergie pourrait créer des emplois, c’est ce qu’avancent les anti-nucléaires. Mais pour anticiper l’avenir, il faudrait, sans attendre, que l’Etat construise un vrai projet de reconversion, avec les collectivités locales et les instances internationales.

Quel serait l’impact de la fermeture de la centrale sur le prix et la production d’électricité en France ?
En France, 75% de l’électricité provient du nucléaire et le prix du kWh d’électricité n’est pas le moins cher d’Europe - nous sommes 13e en ordre croissant sur 35 pays. Au printemps 2014, la Cour des comptes a prévenu d’une hausse importante du prix de l’électricité en raison d’investissements nécessaires dans les centrales nucléaires vieillissantes d’EDF, comme Fessenheim. Or, le coût de production des 19 centrales françaises a déjà bondi de plus de 20% entre 2010 et 2013. D’où une hausse des tarifs d’EDF en 2014. Et si EDF construit de nouveaux réacteurs, la facture va grimper. Prenons l’exemple de l’EPR de Flamanville : sa mise en service, prévue en 2017, a encore été reportée et le budget initial est d'ores et déjà multiplié par quatre. Il faut également ajouter les coûts de stockage des déchets nucléaires, difficiles à anticiper puisqu’on expérimente. Donc, les dépenses d’EDF vont augmenter, que ce soit pour prolonger la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans ou pour les démanteler. Et ce sont les consommateurs qui paieront.

Et à Fessenheim, spécifiquement ?
La fermeture de Fessenheim n’augmentera pas à elle seule la facture d’électricité, mais dans ce cas, comme dans le cas général, il faudrait anticiper pour amortir le choc. Si Fessenheim doit fermer, il faut se donner les moyens de prévoir la reconversion énergétique pour produire l’électricité autrement, avec des énergies renouvelables notamment, pour garder une production tout en étalant les coûts.

Liens utiles :

Association Stop Fessenheim
Réseau Sortir du Nucléaire
Energie EDF

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