En France, les animaux changent de statut juridique

Les animaux sont désormais des « êtres vivants doués de sensibilité ». Une qualité toute symbolique que le Parlement français leur a reconnue le 28 janvier dernier dans le cadre de la loi de modernisation et de simplification du droit adoptée définitivement par l'Assemblée nationale en France.

Le 28 janvier, le parlement français a donc accordé aux animaux le statut d'« êtres vivants doués de sensibilité ». Autrement dit l'animal n'est plus considéré comme une chose ou comme un meuble mais comme un être susceptible de ressentir des émotions, du plaisir... ou de la souffrance. Cette reconnaissance vient clôturer un débat renvoyé d’un hémicycle à l’autre : le Sénat et l’Assemblée nationale étaient en désaccord sur ce dossier depuis fin 2013. Alors que les sénateurs s'y étaient opposés la semaine précédente, à l’Assemblée, les députés l’ont adopté en lecture définitive.

En France, les projets de loi sont discutés dans les deux chambres, mais c’est l'Assemblée qui a le dernier mot. Or le Sénat, qui représente plus les collectivités territoriales et le monde rural, s'est opposé à cette reforme. La filière agricole craint une remise en cause de la pratique de l’élevage. Ainsi, le principal syndicat agricole français, la FNSEA, a dénoncé un show médiatique sur la souffrance des animaux d'élevage, avant d’accepter finalement l'évolution du statut dans la mesure où l’animal ne bénéficie pas d’une catégorie intermédiaire (entre celle des hommes et celle des biens), comme certains défenseurs du droit animal le réclamaient. Le syndicat ne voulait pas qu’on remette en cause la relation de subordination entre l'éleveur et son animal.

Une reconnaissance symbolique

Les associations de défense des animaux sont à l'origine de cette initiative législative visant à « dépoussiérer » le code civil, resté inchangé depuis 1804 et selon lequel « Les animaux sont des choses, sur lesquelles l’homme peut exercer un droit absolu ». Elles sont soutenues par des intellectuels de tout poils comme Edgar Morin, Luc Ferry, Élisabeth de Fontenay, Michel Onfray ou encore Boris Cyrulnik. Des personnalités qui ont signé un manifeste réclamant, sous l'égide de la Fondation 30 Millions d'amis, un changement du statut juridique de l'animal.

Ce statut ne va pas tout changer mais il s’agit d’une avancée et surtout d’une reconnaissance symbolique. Il est important que dans le code civil, « pilier » du droit en France, les animaux se distinguent des biens et des choses. Si la qualité d'être sensible est clairement inscrite, on peut penser que les juges considéreront avec plus d’attention les actes de cruauté  envers les animaux.

Il faut préciser que le code rural et le code pénal ont déjà intégré cette définition de l’animal. L'arsenal juridique existe. Le code pénal prévoit une peine maximale de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour les auteurs « d’actes de cruauté » contre un animal domestique ou apprivoisé. Mais elle est rarement appliquée, même si récemment - exception à la règle -, un jeune homme qui avait lancé un chat contre un mur a été condamné à un an de prison ferme à Marseille.

Mais ils restent soumis au régime des biens corporels

Même si cela indique qu’une place nouvelle est réservée aux débats sur la souffrance animale en France, ce changement du statut de l'animal ne pas tout révolutionner. Il ne mettra pas un terme aux élevages intensifs qui martyrisent des millions de poules, de bœufs, de veaux et de porcs pour ne citer qu'eux. En revanche, le texte donne du poids aux revendications en faveur d’une amélioration de la condition faite aux animaux.

Selon les termes de la loi les animaux, qui ne sont désormais plus des biens meubles, restent soumis au régime des biens corporels, ce qui veut dire que les méthodes d'appropriation de l'animal pour l'élevage ne sont pas remises en question. Or, l’élevage des animaux destinés à la boucherie implique, nous le savons, des souffrances constantes en cours d’élevage en raison du confinement, des pratiques mutilantes, du transport et de l’abattage.

L’objectif l'élevage intensif industriel n’est-il pas de produire le plus possible, le plus rapidement possible et à un moindre coût, sans se préoccuper du bien-être des animaux ? On pense aux poules élevées en batterie qui ne peuvent pas ouvrir les ailes, qui ne verront jamais ni un brin d'herbe ni la lumière du jour, qui se piétinent et s'entretuent. Dans un document sur le « sexage » de poussins, on peut voir les mâles, qui ne sont pas intéressants pour la ponte, hachés dans un broyeur ! La ferme des 1 000 vaches, qui fait beaucoup parler d'elle en France, a une dimension inhumaine, équivalente à trois terrains de football - une exploitation géante qui pose question.

Le changement de statut juridique implique sans distinction les animaux de compagnie et les animaux « rentables ». En revanche, les animaux sauvages n'entrent pas dans cette définition pour le moment, car les mauvais traitements ou les actes de cruauté envers eux ne sont pas reconnus par les tribunaux - sauf si l’animal appartient à une espèce protégée. Cela laisse la porte ouverte à tout, en toute impunité. En effet, qu’en est-il de la corrida, des combats de coqs ou des expérimentations avec des animaux dans les laboratoires ? 

Partager :