Les Boliviens célèbrent Ekeko, le dieu andin de l’abondance

La traditionnelle « Feria des Alasitas », dont les origines remonteraient à deux millénaires, a eu lieu à La Paz. L’occasion pour les Boliviens d’acheter des répliques miniatures de ce qu’ils souhaitent acquérir en taille réelle dans l’année.

Malheur à ceux qui ont la vue basse. Car les trésors des Alasitas sont des miniatures. Dans les stands entassés à flanc de colline, au centre-ville de La Paz, les caseras (vendeuses) proposent de tout, en modèle réduit : maisons, hôtels, voitures ou encore valises, remplies de faux billets en euros, dollars ou bolivianos, selon que l’on cherche à devenir propriétaire ou à faire fortune. Si l’on veut se faire construire sa maison, on peut également acquérir des mini-sacs de ciment avec brouette, pelle et pioche.

C’est le principe des Alasitas : acheter en miniature ce que l’on désire obtenir en grandeur nature dans l’année. Une fois leur objectif identifié et le bien acheté, les Boliviens se tournent vers la vedette de la fête, Ekeko, le dieu andin de l’abondance. Un personnage de petite taille, ventru, et portant fièrement la moustache et le chapeau.

Le panier de l’abondance 

Des statuettes à son effigie sont présentes dans tous les stands, dont celui d’Alicia qui décrit ainsi la figurine : « Vous voyez, il porte le panier de l’abondance : une valise, des billets, une guitare, une radio, une voiture, une casserole, un poisson, une maison. C’est pour ça que c’est en miniature car il doit porter tout ça. »

Mais le pouvoir d’Ekeko ne s’arrête pas aux choses matérielles : on peut ainsi acheter son mini-diplôme d’université pour devenir médecin, avocat ou ingénieur, ou encore offrir un petit coq de couleur blanche à la fille que l’on souhaite épouser.

Janet et Maria, deux fidèles des Alasitas, garantissent le résultat : « Il y a longtemps, on avait demandé à Ekeko de pouvoir émigrer à l’étranger, d’y fonder une famille et de pouvoir étudier et avoir une meilleure vie. Et depuis, je vis en Argentine avec ma mère. Cette fois, je lui ai demandé du travail, et aussi de passer mon permis de conduire. Je lui ai demandé de l’argent. L’an passé, je lui avais demandé une voiture pour mon fils et il a réalisé mon souhait. Je lui avais demandé un pick-up et mon fils a eu un pick-up. »

Pour que les désirs se réalisent, il faut bien sûr offrir une cérémonie à Ekeko. Un rituel qui coûte entre 1 et 4 euros. Apolinario, sorcier aymara, le réalise chaque année pour une bonne centaine de fidèles : « Par exemple, si quelqu’un vient avec un minibus miniature, on le bénit pour que le souhait se réalise. Pour qu’il obtienne le véhicule avec les papiers et l’assurance, pendant le rituel, on donne à Ekeko de l’alcool, du vin, du sucre, du maïs, du riz et de la coca. Et on lui allume aussi une cigarette. Tout ça pour qu’Ekeko soit satisfait et heureux ».

Polémique entre la Bolivie et la Suisse

Ekeko qui cette année a également fait l’objet d’une polémique entre la Bolivie et… la Suisse. En cause, une statuette précolombienne d’à peine 16 centimètres de hauteur que le musée d'Histoire de Berne a restituée à La Paz en novembre 2014. Les autorités boliviennes, qui considèrent que la statuette représente le dieu andin de l'abondance, avaient réclamé le retour de l'objet sur ses terres d'origine. Mais, peu avant l’ouverture de la Feria des Alasitas, le musée d'Histoire de Berne s’est dit « déçu » par l'attitude du gouvernement bolivien qui avait annoncé que la statuette serait montrée publiquement au cours d'une procession dans les rues de La Paz.

Voilà qui est contraire aux accords signés entre le musée suisse et la Bolivie, a estimé le directeur du musée, Jakob Messerli pour qui la Bolivie « dit une chose et en fait une autre » et ne respecte pas le code international de déontologie des musées. Les origines de la statuette font aussi débat puisque des spécialistes des Etats-Unis considèrent qu'elle ne représente pas Ekeko, mais un personnage féminin d'une autre culture que celle des Aymaras dont est issu le président bolivien Evo Morales.

Déjà l’an passé, David Choquehuanca, le ministre bolivien des Affaires étrangères, avait créé un petit buzz en défendant les traditions andines contre les valeurs occidentales : « Si le père Noël entre par la cheminée, c'est que nous lui fermons nos portes. En revanche, Ekeko, est le bienvenu dans les foyers du pays ».

Dans la foule présente à la feria, la position ministérielle est d’ailleurs largement partagée. Eva, 32 ans, affirme ainsi : « Le père Noël, c’est pour les enfants. En revanche, l’Ekeko c’est pour les grands et les petits, c’est pour tout le monde ». Si Ekeko est peut-être plus fort que le père Noël, il n’est en revanche pas certain que sa fête représente des valeurs différentes. La feria génère en effet chaque année un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros et son nom, « Alasitas », signifie en aymara « Achète-moi ». 

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