Kim Jong-un ne s’est pas rendu ce matin au mausolée où reposent les dépouilles momifiées de son père et de son grand-père, Kim Jong-il et Kim Il-sung… Il n’a pourtant jamais manqué une telle cérémonie depuis son arrivée au pouvoir. A Séoul, la possibilité d’une instabilité au sommet d’un régime qui se dote de l’arme nucléaire suscite beaucoup d’inquiétudes… Et de spéculations. Des Nord-Coréens exilés parlent de coup d’Etat, les quotidiens évoquent divers problèmes de santé tels que diabète ou fracture de la cheville…
Cette absence publique de Kim Jong-un est d’autant plus commentée que d’habitude, Kim Jong-un est partout ! « Le leader suprême » incarne le pouvoir en Corée du Nord, et les images de la propagande officielle le montrent chaque jour inspectant une rampe de missile, une ferme à champignons, un parc à dauphins, une station de ski, une maternité, etc.
En juillet, sur la télévision d’Etat, on l’a vu en train de boiter. Fin septembre, comme pour justifier son absence mystérieuse, le pouvoir lui-même a admis que Kim Jong-un souffrait de « gêne »… à force de trop travailler. Une reconnaissance sans précédent et depuis, les rumeurs s’emballent. Des médias sud-coréens affirment que Kim a été opéré des chevilles, d’autres assurent que le dirigeant de 31 ans souffrirait du diabète ou de la goutte… Des Nord-Coréens exilés au Sud assurent que sa petite sœur assurerait l’intérim du pouvoir. Mais la thèse qui prend de plus en plus d’ampleur assure que Kim Jong-un a été victime d’un coup d’Etat !
Si c’était vrai, qui donc alors aurait pris le pouvoir à Pyongyang ? Jang Jin-sung, un ancien cadre du régime exilé à Séoul, affirme qu’un organe du Parti nord-coréen, le département d’Organisation et d’Orientation, aurait pris le pouvoir l’année dernière, au moment de l’exécution très médiatisée de Jang Song-taek, le propre oncle de Kim Jong-un. Selon cet exilé, cet organe du Parti garderait le jeune Kim comme chef d’Etat symbolique, car celui-ci bénéficie d’une légitimité dynastique auprès de la population : soixante ans de propagande intensive ont fait de la famille Kim de véritables dieux vivants.
« Confusion au sommet »
Mais le vrai pouvoir serait ailleurs. Jang Jin-sung estime que c’est désormais Hwang Pyong-so, un général qui a fait une carrière fulgurante depuis un an, le véritable patron à Pyongyang. Et c’est justement ce général Hwang qui, à la surprise générale, a atterri à Séoul en Corée du Sud samedi dernier pour une visite diplomatique.
Jang Jin-sung fait remarquer que Hwang est venu avec des gardes du corps, un privilège autrefois accordé seulement au dirigeant suprême. Il avait son uniforme de général, une autre anomalie : pour ce genre de mission diplomatique, le régime envoie d’habitude des civils. Enfin, cet exilé souligne le fait que la Corée du Nord a un comportement plus erratique que d’habitude : elle enchaîne les mains tendues avec les accrochages militaires comme mardi. Signe selon lui d’une « confusion au sommet ».
Que penser d’une telle théorie ? Est-elle crédible ? Cette affirmation vient de quelqu’un qui comprend parfaitement les rouages internes du régime, mais malheureusement il manque de preuves tangibles. On surnomme même avec dérision les « Pyongyangologues » ces experts qui bâtissent des théories complètes en se basant sur quelques détails. Car beaucoup d’analystes pensent eux que Kim Jong-un est toujours au pouvoir, et que son absence est sans doute un simple problème de santé.
Mais, cette fois, l’absence de Kim Jong-un au 69e anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs risque à nouveau d’alimenter le moulin à rumeurs. Jusqu'ici, le gouvernement sud-coréen s’y refuse. « Il semble que Kim Jong-un dirige normalement » la Corée du Nord, affirme à Séoul le ministre de la Réunification. Selon plusieurs experts, cependant, si cette absence devait se prolonger, elle pourrait a minima affaiblir le contrôle de Kim Jong-un sur les élites de Pyongyang.
Jang Jin-sung, ancien membre de l’élite nord-coréenne exilé au Sud, affirme que Kim Jong-un n’a plus qu’un pouvoir symbolique
Analyse de Adam Cathcart, spécialiste de la Corée du Nord, professeur à l’Université de Leeds