Etats-Unis : quelle stratégie contre les shebab en Somalie ?

Appels sur l'actualité fait le point sur la lutte antiterroriste en Somalie. La mort du chef des shebab, Ahmed Abdi « Godane », tué le 1er septembre lors d'une frappe aérienne américaine, a été qualifiée de « perte majeure du point de vue symbolique et opérationnel pour la plus importante des entités affiliées à al-Qaïda » à la Maison Blanche. Mais les shebab, qui avaient promis de se venger, ont répliqué, le 8 septembre, par un attentat-suicide qui a fait 12 morts et une trentaine de blessés au nord de Mogadiscio, et revendiqué cette attaque qui visait l’Amisom, la force de l'Union africaine. Et quelques jours plus tard, en Ouganda, les autorités affirmaient avoir déjoué un attentat d’ampleur.

Quels liens ont les shebab avec les autres mouvances islamistes ? Reçoivent-ils leur soutien financier ?
Reprenons l’histoire récente. En 2009, une vidéo annonçait l’allégeance des shebabà Oussama Ben Laden. Or celui-ci a longtemps refusé une union formelle entre al-Qaïda et al-Shabaab, préoccupé par l’extrême-violence du mouvement, y compris envers les musulmans. En décembre 2009, une attaque kamikaze contre l’hôtel Shamo, à Mogadiscio, ciblant une cérémonie pour des étudiants en médecine, avait par exemple créé l’effroi. A la mort de Ben Laden, Zawahiri, qui leur était beaucoup plus favorable, a favorisé l’union formelle qui a été revendiquée au début de l’année 2012. Depuis le début de l'année 2014, les données ont considérablement changé avec l’offensive de l’organisation Etat islamique dans une partie de la Syrie et de l’Irak. Un vaste terrain, des armes sophistiquées, une propagande active : autant de paramètres qui rendent un rapprochement potentiellement attractif. Début septembre, le successeur d’Ahmed Godane a été nommé en quelques jours, ce qui peut laisser croire que les consultations n’ont pas été exhaustives. Ahmed Omar, alias Abu Ubaidah, est présenté comme un fidèle des fidèles de Godane, issu d’un clan minoritaire. Récemment, le mouvement a réitéré son allégeance à al-Qaïda, mais selon les spécialistes, celle-ci est contestée et des divivsions pourraient naître, car des éléments prôneraient une alliance avec l’organisation Etat islamique, correspondant d’ailleurs plus, par son extrémisme et sa grande violence, à l’action passée des shebab. Quant à Boko Haram, au Nigeria, les deux mouvements ont été en contact, mais rien juqu'à présent qui soit allé au-delà ou qui ait montré qu’ils ont coordonné leur tactique jusqu’à maintenant.

Quelle est la stratégie des Etats-Unis en Somalie pour lutter contre le retour des shebab au pouvoir ?
Début septembre, Barack Obama a pris en exemple le Yémen et la Somalie dans ce qu’il nomme des tactiques réussies pour venir à bout des terroristes - c’est-à-dire frappes aériennes et soutien d’alliés locaux. Une déclaration qui a surpris, parce que la Somalie a longtemps été synonyme d’humiliation et d’échec pour les Etats-Unis : en octobre 1993, des soldats américains avaient été tués et leurs corps traînés dans les rues de Mogadiscio. Les Etats-Unis sont restés longtemps traumatisés par cet échec. En 2005, un soutien financier à des chefs de guerre locaux pour former une alliance contre le terrorisme et lutter contre l’avancée des tribunaux islamiques s’était conclu par une défaite cuisante... La stratégie américaine est donc passée, comme l’a souligné Obama, par des frappes aériennes – celles qui ont tué Ahmed Godane au début de ce mois, celles qui ont tué Ayro en 2007 ou Nabhan en 2009 - et par le soutien à bout de bras d’institutions qui restent fragiles et extrêmement corrompues. Il faut noter qu’en juillet dernier, des responsables américains ont reconnu que depuis 2007, plus d’une centaine de leurs forces spéciales étaient présentes – jusqu’ici dans le plus grand secret. Une présence limitée, qui s’accompagne d’un soutien à l’armée nationale somalienne et aux services de renseignements. Les Etats-Unis ont mis en place le « groupe Alpha » des forces spéciales, qui interviennent sur les opérations délicates, les attaques terroristes. Mais au final, les raids aériens, les drones ne paralysent pas vraiment les shebab. A ce jour, ces derniers ont surtout perdu de grandes agglomérations en raison de l’avancée au sol des troupes africaines de l’Amisom, mais leur capacité opérationnelle reste intacte, malgré la mort de Godane et ils peuvent frapper où ils veulent en Somalie et dans la région. 

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