Hama Amadou en cavale attend le mandat d’arrêt international

Après Jeune Afrique, lundi, c'est à RFI que le président de l'Assemblée nationale du Niger s'est confié. Appels sur l’actualité, l’émission de Juan Gomez, a aussi fait le point sur « l’affaire Hama Amadou ». Mis en cause dans un trafic présumé de bébés, le 27 août, il a préféré gagner le Burkina Faso, puis la Belgique et la France. Le bureau du Parlement venait d’autoriser son audition par la justice dans le cadre de l'enquête. Une affaire retentissante qui empoisonne le climat politique du pays. Important allié du régime en 2011 lors de l'élection de Mahamadou Issoufou, Hama Amadou, qui a rejoint l'opposition en 2013, est devenu le principal adversaire du chef de l'Etat pour la présidentielle de 2016 – selon ses partisans. Reste que 17 personnes, dont une de ses épouses, ont été inculpées puis écrouées fin juin pour « supposition d'enfant » - un délit qui consiste à attribuer la maternité d'un enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde -, « faux et usage de faux » et « déclaration mensongère ». Et que le gouvernement nigérien, dans un communiqué daté du 10 septembre, nie « toute interférence juridique », qualifiant les dires de Hama Amadou de « mensonge grotesque ».

Quels arguments Hama Amadou,  le président de l’Assemblée nigérienne, avance-t-il pour justifier sa fuite ?
Hama en personne est venu se justifier dans Jeune Afrique paru ce lundi. Dans les colonnes de notre confrère, le président de l’Assemblée nationale du Niger explique qu’il a fui pour éviter d’être arrêté. Selon lui, le dossier dans lequel il est soupçonné de « complicité de supposition d’enfants » n’est que pur montage politique pour le déstabiliser ; le président Issoufou veut l’éliminer politiquement avant la présidentielle de 2016, pour laquelle il s’est déjà déclaré candidat. Selon lui, un plan machiavélique est en marche : le pouvoir aurait décidé de l’arrêter pour ensuite l’empoisonner et l’éliminer définitivement. Il détaille le produit : un poison de Libye dont les effets ne seraient intervenus que quelques mois après son ingestion. Il n’aurait plus eu d’autre choix que de partir, le plus vite possible, pour échapper à ce qu’il qualifie de complot.

Pour lui, la machination a débuté depuis longtemps…
Oui, depuis un an, le pouvoir en place aurait tout tenté pour l’écarter en s’en prenant à lui, à sa fonction, en lui enlevant sa garde rapprochée liée à son rang de président de l’Assemblée nationale, en s’en prenant à ses proches et à ses militants, et finalement à sa famille via cette affaire de trafic de bébés. Sauf que cette affaire ne touche pas que lui : 17 personnes sont actuellement en détention provisoire pour « supposition d’enfants ». Une instruction judiciaire a été ouverte par un juge qui a lancé des commissions rogatoires au Nigeria et au Bénin. Le juge s’intéresse également au Burkina et au Togo. Au Niger, 12 femmes sont écrouées, ainsi que leurs maris… Et un seul n’est pas en prison, c’est Hama Amadou (voir encadré).

Comment a réagi l’opposition après cette fuite ?
L’opposition a été un peu prise de court. La décision de fuir a été prise par Hama dans le plus grand secret et mise en place en très peu de temps. Sur le moment, il y a eu un peu d’incrédulité. Certains députés de son parti Lumana juraient que Hama était caché chez eux et qu’il n’avait pas abandonné le bateau. D’autres, ses plus proches, ont immédiatement soutenu son choix en le justifiant par les mêmes craintes de complot contre lui. Ses avocats assurent que Hama a pris la décision de quitter le Niger sur pression de ses députés qui ont voulu « éviter un bain de sang ». Vérification faite, il semble que Hama n’a eu besoin de personne pour prendre sa décision et que c’est bien en catimini, en évitant d’ébruiter l’information, qu’il a rejoint le Burkina Faso.

Comment a-t-il pu fuir le Niger ? Et où est-il maintenant ?
Là encore, il y a le discours officiel avancé par Hama : il serait parti en voiture, seul à bord de son véhicule, aurait passé la frontière et se serait fait connaître des autorités du Burkina, notamment en avertissant son homologue, le président du parlement burkinabè. Les autorités du Burkina ont averti à leur tour les autorités du Niger… Ouagadougou était gêné de cet hôte encombrant, car si la justice nigérienne avait demandé son extradition, les autorités du Burkina Faso se seraient retrouvées dans la situation délicate de remettre aux Nigériens le deuxième personnage de l’Etat, à savoir le président de l’Assemblée nationale. Mais Hama n’a pas abusé de l’hospitalité du pays voisin. Il a très vite pris un avion pour Bruxelles, et rejoint ensuite Paris où il séjournait encore ces derniers jours…

Pourquoi a-t-il choisi l’Europe ?
Hama se dit plus en sécurité d’un point de vue judiciaire à Paris ou à Bruxelles. Il estime que le pouvoir de Niamey devra juridiquement justifier le mandat d’arrêt international devant la justice française, et Hama est certain que le dossier est vide. Le Garde des sceaux nigérien a répondu en substance sur notre antenne que s’il y a un mandat d’arrêt international lancé contre Hama, la France ou la Belgique devront aussi l’exécuter. Un magistrat nigérien ajoute « que la Belgique ayant la compétence universelle, elle pourrait aussi s’autosaisir pour arrêter Hama en raison de la nature du dossier dans lequel il est impliqué, qui est un trafic présumé d’enfants ».

Le Niger a-t-il entamé une procédure judiciaire pour son retour au pays ? Et que risque-t-il si un mandat d’arrêt est lancé contre lui ?
Non et d’ailleurs, à ce jour, aucune procédure n’a encore été lancée contre Hama : il y a juste une requête du procureur demandant au bureau de l’Assemblée nationale de lever l’immunité de Hama afin qu’il soit mis à la disposition de la justice. Cette requête porte sur une accusation de « complicité de supposition d’enfants » et « de faux en écriture » pour avoir enregistré la naissance des jumeaux à Niamey alors qu’ils étaient nés au Nigeria. Cette levée d’immunité consistait à rendre possible une convocation devant le juge, qui n’a pas eu le temps de le convoquer puisque Hama a quitté le pays dès la délibération du bureau.

Jusque-là, aucun mandat d’arrêt n’a été délivré contre lui ?
Non aucun. Le procureur de la république souhaitait que la cour constitutionnelle se prononce sur la légalité de la levée d’immunité avant de poursuivre la procédure judiciaire. Ce qu’elle a fait en donnant raison au bureau de l’Assemblée. Désormais, c’est au juge de décider de la suite du dossier et de dire si, oui ou non, Hama doit être entendu dans cette affaire en fonction des charges qui seront ou pas retenues contre lui. Si oui, il lancera une convocation, et faute de réponse, il aura recours à un mandat d’arrêt international pour l’obliger à se présenter devant la justice. Mais la justice pourra poursuivre l’instruction même en l’absence de Hama, qui peut être condamné dans ce dossier en son absence, une condamnation par contumace en quelque sorte pour laquelle généralement les circonstances atténuantes ne sont pas retenues.

Le juge peut aussi prononcer un non lieu.
On attend !
 


Quand l'opposant Hama Amadou, président de l'Assemblée nationale du Niger, répond aux questions de Christine Muratet sur RFI. Extrait.

Douze femmes dont la vôtre sont soupçonnées d’avoir simulé un accouchement pour justifier l’achat de nourrisson - ce qu’on appelle la « supposition d’enfant ». Pourquoi ne pas avoir évacué tous ces soupçons en réalisant le test ADN ?
Précisément, quand ma femme s’est retrouvée devant le juge d’instruction, spontanément, elle a dit au juge : « Je suis prête à faire le test ADN ». Il lui a été répondu devant les avocats qu’il ne s’agit pas de ça pour le moment : « Madame, vous allez en prison ». A partir du moment où l’objectif n’est pas de prouver que les enfants sont bien les enfants de ma femme, ses avocats ont dit : dans les conditions où ce dossier est instruit, nous vous déconseillons ardemment de le faire.
 
Pourquoi l’islam empêcherait-il les hommes de faire des tests ADN ?
Parce que le principe posé dans l’islam est que tout enfant que peut avoir une femme se trouvant dans les liens du mariage appartient systématiquement au mari et qu’il lui est interdit de procéder à des contrôles parce qu’il faut protéger les enfants. Vous pouvez vérifier avec n’importe quel imam.

Cette affaire touche à des questions très intimes. Pourquoi avez-vous choisi que votre épouse accouche au Nigeria ?
Je n’ai rien choisi du tout. Ce qui m’importait, c’est de constater que ma femme était en grossesse, et elle a fait le test de grossesse au Niger, dans une clinique nigérienne qui a déposé des examens au niveau du juge d’instruction pour bien montrer qu’il a eu lieu au Niger. Maintenant, elle a décidé d’aller accoucher [au Nigeria] parce qu’elle a eu trois avortements de suite. Un médecin nigérian la suivait et elle voulait que cela se fasse devant lui pour ne pas encore perdre les enfants. C’est la raison pour laquelle elle a décidé d’y aller. Au moment où elle y a été, je n’étais même pas au Niger, j’étais au Maroc.

Pourquoi avoir fait enregistrer les naissances des jumeaux à Niamey alors qu’ils étaient nés à l’étranger ?
Tout le monde au Niger déclare la naissance des enfants, que ce soit au Niger ou ailleurs.

Il y a néanmoins une accusation de « faux en écriture » pour votre secrétaire...
Je vous ai dit que quand ça s’est passé, j’étais absent. Donc, je n’ai pas donné d’instruction à mon secrétaire particulier. Il l’a fait en toute bonne foi. Nous ne pensions certainement pas qu’une telle affaire prendrait des proportions de ce genre.

Lire ou écouter l'intégralité de l'interview de Christine Muratet sur Rfi.fr.

 

Partager :