Une initiative à la demande des citoyens
Tout commence avec une lettre envoyée en janvier 2019 au président de la République, et signée par des citoyens de toute sorte, militants climat, « gilets jaunes », défenseur d'une démocratie plus ouverte...
Dans cette lettre, les signataires disent vouloir autre chose que le grand débat national qu’Emmanuel Macron vient de lancer pour calmer la colère des gilets jaunes, et qui a leurs yeux manque surtout de transparence et de garanties quant aux débouchés concrets. En gros, ils veulent autre chose qu'un gadget, qu'une consultation de façade. Et ils estiment avoir eu gain de cause.
Priscilla Ludosky, une des personnes à l’origine du mouvement des gilets jaunes, explique: « Les différences que je note c’est que là, pour une fois, c’est demandé par des citoyens et par un collectif de profils différents. Ensuite, c’est un processus qui n’a jamais été fait en France: il n’y a que des citoyens tirés au sort. Et la troisième différence c’est qu’on a demandé un engagement à la fin ».
Le président de la République promet des débouchés concrets
En effet, Emmanuel Macron s'est engagé à ce que les résultats de cette convention citoyenne ne finissent pas dans les cartons. Au terme des travaux, les citoyens lui présenteront les mesures législatives et réglementaires qu'ils jugent nécessaires, et les questions qu'ils souhaitent soumettre à un référendum. On est loin de la simple consultation, estime Mathilde Imer, signataire de la lettre, militante climat et membre du comité de gouvernance officiel de la Convention.
« Si ç’avait été une consultation, ni moi, ni aucun autre ne serions allés dans ce comité de gouvernance. C’est de la délibération. Et c’est ça qu’on a oublié dans ce pays: quand on délibère sur des sujets sur lesquels on n’est pas d’accord au début, on peut arriver à se mettre d’accord. L’idée est d’arriver à dégager des consensus suffisamment larges qui font qu’on fait bouger la société dans un sens ».
Cent-cinquante personnes censées refléter une France miniature
Ces 150 Françaises et Français ont été tirés au sort de façon à représenter la diversité de la société française, c’est-à-dire à refléter les pourcentages femmes, hommes, diplômés ou non, les tranches d’âges et les classes sociales. Ils doivent répondre à la question: comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ?
Pour le rapporteur général de cette Convention citoyenne, Julien Blanchet, les citoyens sont là pour donner leur avis à partir de leur situation personnelle. « On veut que chaque citoyen arrive avec son vécu, avec ses options, et que ces citoyens qui n'auront pas forcément tous les mêmes options, puissent cheminer vers des propositions communes. Ces citoyens sont le pouls de la société. Le but est qu’ils restent bien ancrés dans leur terrain, leur vécu, leur quotidien, leur travail, leur famille, leur engagement militant dans des associations, dans des syndicats. Aujourd’hui, il y a besoin de créer un consensus », estime-t-il.
Ces cent-cinquante citoyens vont se réunir six fois pour des week-ends de trois jours et rendre leurs conclusions en janvier prochain. Ce premier week-end est destiné à les éclairer. Des scientifiques et experts choisis par le comité de gouvernance pour leur sérieux et leur crédibilité, exposeront les dernières données scientifiques. Il y aura par exemple, des climatologues du GIEC, pour parler de l’état du climat.
Après, les citoyens pourront choisir pour la suite des débats, les experts, les militants, les chercheurs qu’ils souhaitent inviter. L’objectif est qu’ils entendent différents points de vue pour pouvoir se former une opinion et avoir tous les outils pour pouvoir débattre.
Des débats pour élaborer des propositions concrètes
Il s’agit de trouver, lors de cette Convention citoyenne, des solutions pour permettre d’atteindre l’objectif climatique que la France s’est fixé, celui de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Or, selon certains, on connaît déjà les solutions, il suffit de lire les pancartes des jeunes qui manifestent pour le climat: « Stop aux grands projets inutiles ! ». C’est-à-dire les projets d’autoroutes, de centres commerciaux, etc. Ou encore « Stop aux traités de libre-échange ! »
Mais lors de ce processus, il s'agit d'élaborer des propositions détaillées et non pas d'énoncer juste de grands principes. Une question se pose: si les citoyens décident qu’il faut justement en finir avec ces grands projets et ces traités, est-ce que le Parlement s'en saisira ? Est-ce que le gouvernement changera de cap ?
Voilà ce qu’en pense Mathilde Imer: « Encore une fois, ce sont les citoyens qui sont souverains. S’ils décident qu’il y a un projet de loi qui vise à faire en sorte qu’un traité de libre-échange ne soit pas voté, c’est le "sans filtre" au Parlement, au règlement ou au référendum qui s’appliquera. C’est-à-dire que le gouvernement prendra ses responsabilités ou pas ».
Certains initiateurs de cette Convention citoyenne lancent d'ores et déjà un avertissement: si le processus ne débouche pas sur du concret, ils chercheront d’autres chemins que les voies institutionnelles. Une liste d’autres militants de tous bords n’ont même pas attendu le démarrage de cette convention pour la qualifier de « simulacre » dans une tribune publiée sur le site Reporterre.
Et plusieurs ONG ont, elles aussi, levé la voix, elles estiment que l’exécutif profite de cette Convention citoyenne pour ne pas assumer ses responsabilités. Ainsi, Greenpeace dénonce que « la profusion de déclarations et d'instances est la parfaite illustration des manœuvres dilatoires du gouvernement ».
►Pour en savoir plus et regarder la transmission en direct des débats, voir le site de la Convention citoyenne
Interrogé sur la Convention citoyenne pour le climat, l'eurodéputé écologiste, David Cormand considère que c'est une bonne initiative, mais il attend néanmoins des actes concrets.