Européennes: cacophonie et attaques ciblées lors du premier débat

Une grande cacophonie ponctuée par quelques passes d'armes : le laborieux débat télévisé, premier du genre, qui a réuni jeudi douze têtes de liste pour les Européennes, a rétabli le clivage entre souverainistes et fédéralistes, sans éviter les guerres fratricides.

D'abord prévu à neuf, le débat diffusé sur France 2 et France Inter s'est élargi sous la pression des candidats initialement non-invités, à coup de procédures judiciaires.

Dans un brouhaha quasi-permanent, où les temps de parole de chacun étaient limités à leur part la plus congrue, le débat a permis aux candidats les plus à la peine dans les études d'opinion de tenter de prendre le pas sur les deux favoris, Nathalie Loiseau (LREM) et Jordan Bardella (RN).

Raphaël Glucksmann (Place publique, soutenu par le PS) a ainsi sèchement interpellé, à propos des migrants: « Ni Mme Loiseau, ni M. Bellamy n'ont dit ce que devrait dire n'importe quel humaniste: on les sauve ! » Cruel, Yannick Jadot a ironisé : « Raphaël Glucksmann pioche largement dans notre programme, c'est très bien. »

Dans le camp des pro-Europe, c'est surtout Jean-Christophe Lagarde (UDI) qui s'est voulu le plus pugnace : « Je refuse de placer des douaniers sur le pont de Kehl à Strasbourg, contrairement à M. Wauquiez et Mme Le Pen. »

Critiques de Bruxelles

La majorité des candidats s'est pourtant livré à une critique sévère de l'Union européenne : alors que Jordan Bardella a cité à plusieurs reprises le ministre de l'Intérieur italien d'extrême droite, Matteo Salvini, comme modèle ; la gauche s'en est pris aux « lobbies » : « Le Commissaire au climat [l'Espagnol Miguel Arias Cañete] est un ancien magnat d'une compagnie pétrolière, comme si on avait confié à Dracula le camion du don du sang », a lancé le communiste Ian Brossat.

Florian Philippot s'est engouffré dans ce qu'il considère être une contradiction de la droite : « Vous avez voté tous les traités de libre-échange », a-t-il apostrophé François-Xavier Bellamy, alors que ce dernier avait reconnu plus tôt « l'échec » d'un trop grand élargissement.

Sur le budget européen et sa redistribution, même tir de feux croisés : « On va donner plus à l'UE qu'on donne à notre police, notre gendarmerie », a notamment fustigé M. Dupont-Aignan.

Nathalie Loiseau, se voulant pédagogue : « L'UE coûte 85 centimes d'euros par jour [à chaque Français], moins qu'un café : nous payons beaucoup, donc nous devons être exigeants avec ceux qui reçoivent beaucoup. »

Climat : peu de nouvelles propositions

Après deux heures d'émission, qui en a finalement compté plus de trois, la question écologique - au coeur de nombreux programmes de candidats - a été évoquée : « Si le climat se réchauffe, c'est l'Europe la première qui devra payer les pots cassés », a fait valoir Jean-Christophe Lagarde, selon qui « si le climat était une banque, ça fait longtemps que l'UE l'aurait sauvée ». « Le meilleur ami de l'écologie, c'est la frontière », a pour sa part répété M. Bardella.

Face à M. Bellamy, qui a appelé à « réconcilier écologie et économie », Benoît Hamon a réclamé la « reconnaissance du crime d' "écocide" », en mettant en cause « des entreprises, des personnes morales » qui « produisent contre l'intérêt général ».

Des « gilets jaunes » peu évoqués

Peu d'allusion dans le débat aux « gilets jaunes », si ce n'est lorsque Manon Aubry a mis sur la table la proposition de son parti d'un référendum d'initiative citoyenne européen, comme l'a proposé le groupe LFI à l'Assemblée.

Sur le fond, plusieurs propositions ont été soumises au vote des candidats. A la notable exception de Benoît Hamon, tout le monde était opposé à transférer le siège de la France au Conseil de sécurité de l'ONU à l'UE, une compétence qui ne relève pas des députés européens.

Tous, sauf M. Asselineau qui s'est abstenu, se sont également engagés, s'ils sont élus, à siéger au Parlement européen jusqu'à l'issue de leur mandat en 2024, et donc à renoncer à briguer tout autre mandat, y compris présidentiel. Cette émission a été suivie par 1,9 million de téléspecteurs, soit 9% de part d'audience, à la quatrième place de la soirée, selon Médiamétrie.

(avec AFP)

►Mardi 9 avril, à 17h TU (19h - 20h30, heure de Paris) RFI et France 24 proposent un débat entre six têtes de liste françaises : Manon Aubry (FI), Jordan Bardella (RN), François-Xavier Bellamy (LR), Raphaël Glucksmann (Place Publique - PS), Yannick Jadot (EELV) et Nathalie Loiseau (LREM). Durant 1h30, ils répondront aux questions de Caroline de Camaret (France 24) et Frédéric Rivière (RFI).

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