Affaire Benalla: un feuilleton à multiples rebondissements

L'affaire Alexandre Benalla a éclaté au coeur de l'été 2018 avec des images de violences à Paris en marge des manifestations du 1er Mai, place de la Contrescarpe, et rebondi à Noël après la révélation d'un voyage au Tchad, quelques jours avant celui d'Emmanuel Macron. D'une affaire à l'autre, voici les éléments clés de l'« affaire Benalla ».

Le 18 juillet 2018, le quotidien Le Monde révèle qu'un homme portant un casque de CRS, filmé en train de frapper un jeune homme et de malmener une jeune femme place de la Contrescarpe, à Paris, en marge des manifestations du 1er Mai, est « un proche conseiller du président de la République ». Selon le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, il s'agit d'Alexandre Benalla, « chargé de mission » pour la sécurité à l'Élysée, et officiellement parmi les policiers ce jour-là en simple « observateur ». Il dit l'avoir suspendu 15 jours après avoir vu les images en mai.

«  Un fidèle du président » au rôle trouble

Alexandre Benalla, qui a rejoint le candidat Emmanuel Macron et son parti, En Marche ! pendant le début de sa campagne, est chargé de sa sécurité. Une fois à l’Elysée, l’homme reste fidèle au président. Il est propulsé chargé de mission à l'Elysée. Mais un chargé de mission au rôle finalement trouble : il est décrit comme le « chef d'orchestre » de la sécurité du président par ses anciens supérieurs, lors de leurs audiences devant le Sénat et l’Assemblée nationale.

Quel est alors le périmètre exact de ses missions ? Alexandre Benalla voulait-il se substituer au Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) ? L’homme est resté « chef d’orchestre » de la sécurité du président, malgré la sanction prise par le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, le 3 mai. Jusqu’à son licenciement et sa mise en examen dimanche 22 juillet, notamment pour « violences en réunion ».

Une bronca politique

La justice ouvre une enquête, les partis d'opposition dénoncent un « scandale d'État ». Ils déposeront deux motions de censure, qui seront rejetées fin juillet. Alexandre Benalla est licencié par l'Elysée et mis en examen le 22 juillet, notamment pour « violences en réunion ». Le gouvernement suspend l'examen au Parlement de la réforme constitutionnelle. Deux commissions d'enquête se mettent en place : celle de l'Assemblée explosera le 26 juillet avec le retrait des députés d'opposition, celle du Sénat doit rendre ses conclusions d'ici à février.

Deuxième mise en examen

« S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent le chercher », lance Emmanuel Macron le 24 juillet devant un public de fidèles. Il fait part de sa  « déception » face à la « trahison » de son ex-collaborateur. Le parquet de Paris annonce le 30 juillet une nouvelle enquête pour d'autres violences le 1er-Maidans la capitale, cette fois au Jardin des Plantes.

Le 25 septembre, la justice ouvre une autre enquête après la publication par Mediapart d'un selfie avec une serveuse dans un restaurant de Poitiers le 28 avril 2017 (entre les deux tours de la présidentielle), où Benalla brandit un pistolet. Il affirmera ensuite devant les juges d'instruction qu'il s'agissait d'un « pistolet à eau » et ne sera pas mis en examen pour ces faits.

Rencontre avec Alexandre Djouhri

Plusieurs médias rapportent début octobre qu'Alexandre Benalla a rencontré, le 5 septembre à Londres, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri, cité dans l'enquête sur un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. L'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron dément dans un premier temps. Le 29 novembre, Alexandre Benalla est à nouveau mis en examen pour « violences volontaires en réunion », le 1er-Maiau Jardin des Plantes.

Voyage au Tchad

La lettre du Continent le 12 décembre, puis le journal Le Monde le 25, révèlent un voyage d'affaires d'Alexandre Benalla début décembre au Tchad. Il y a notamment rencontré le président Idriss Déby, trois semaines avant une visite d'Emmanuel Macron à Ndjamena. L'Elysée, qui dit avoir été informé de ce voyage a posteriori, souligne qu'il « n'est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République ». La présidence le somme de s'expliquer sur « d'éventuelles missions personnelles et privées » qu'il aurait menées pendant ses fonctions.

Deux passeports diplomatiques

Selon Mediapart et Le Monde, Alexandre Benalla a utilisé l'un de ses deux passeports diplomatiques - délivré en mai après sa mise à pied - pour entrer ces dernières semaines dans plusieurs pays africains. Ce document de voyage facilite les conditions de déplacement de son titulaire pour se rendre dans certains pays et y exercer sa mission, selon l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Côté pratique, le passeport diplomatique permet avant tout d'accélérer certains passages des frontières, mais il « ne confère à son titulaire aucune immunité, que ce dernier se trouve sur le territoire français ou à l'étranger », a précisé le ministère des Affaires étrangères, en dépit du prestige du passeport diplomatique.

Des passeports « rendus »

Auditionné au Sénat le 19 septembre, Benalla avait pourtant affirmé l'avoir laissé dans son bureau de l'Elysée. Le Quai d'Orsay dit avoir réclamé à deux reprises, en juillet et septembre, la restitution de ces passeports. M. Benalla assure au JDD qu'ils lui ont été rendus  par la présidence  avec ses effets personnels.

Dans une lettre au cabinet d'Emmanuel Macron, il affirme avoir des « relations » et « échanges réguliers » avec « certains membres de la présidence », mais assure que ses activités actuelles n'ont  « aucun lien » avec l'Elysée. Les partis d'opposition exigent des explications de la présidence. Le 29 décembre, le parquet de Paris ouvre une enquête concernant l'utilisation des passeports, notamment pour « abus de confiance ».

Le lendemain, dans une interview au journal en ligne Mediapart, Alexandre Benalla affirme avoir continué à échanger très régulièrement avec Emmanuel Macron après son éviction de l'Elysée. « Un faisceau de contrevérités et d'approximations », rétorque la présidence qui l'accuse de vouloir « se venger de son licenciement ». Le ministère des Affaires étrangères dénonce pour sa part des propos « faux » et « fantaisistes ».

( Avec AFP )

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