Avec notre envoyé spécial à l'Assemblée nationale, Anthony Lattier
La stratégie de l'opposition est claire : mettre en difficulté l'exécutif depuis le déclenchement de l'affaire Benalla, il y a bientôt 15 jours. Au palais Bourbon, ce mardi, c'est un baptême du feu pour Edouard Philippe. C'est la première fois que le chef du gouvernement doit faire face à une motion de censure.
Le Premier ministre, grand amateur de boxe, monte sur le ring avec, face à lui, une opposition remontée à bloc depuis une douzaine de jours. Cette dernière joue son va-tout, alors que la commission d’enquête de l’Assemblée sur l’affaire Benalla a viré au fiasco et que les vacances parlementaires approchent à grands pas.
Avant de répondre en une seule fois, Edouard Philippe doit écouter les arguments de Christian Jacob, le patron du groupe Les Républicains, ainsi que ceux d’André Chassaigne, au nom des communistes, des « insoumis » et des socialistes. Ils défendent chacun à leur tour leur motion de censure.
Les députés de droite veulent qu’Edouard Philippe donne des explications sur « les responsabilités et la chaîne de protection dont a bénéficié Alexandre Benalla ». Idem pour la gauche. Mais le député France insoumise Alexis Corbière estime que cette motion est aussi l’occasion de porter une critique plus large.
Le retour de la politique dans les travées du palais Bourbon
Dans la ligne de mire du député FI : la politique du gouvernement et son exercice du pouvoir. « Au moment où le gouvernement, l’exécutif, ne voulait plus rentrer dans l’hémicycle pour s’expliquer devant les députés - et ça en devenait presque cocasse et ridicule -, Jean-Luc Mélenchon avait dit : faisons une motion de censure, ça contraindra le gouvernement à venir s’expliquer devant l’Assemblée. Donc, c’est ça le point de départ. Après, on a vu aussi, la manière désastreuse avec laquelle le gouvernement a géré cette crise, l’opacité qu’il a témoignée. Le tout adossé à un an de politique économique et sociale fort peu utile et dangereuse pour concitoyens, il y a de quoi sanctionner ce gouvernement. »
Mais la droite a prévenu : chacun sa motion. Le groupe Les Républicains ne votera pas le texte défendu par la gauche et vice-versa. « On ne votera pas la motion décidée par la gauche, parce que nous n'avons pas les mêmes valeurs, nous ne voulons pas de confusion des genres, et pas d'alliance de circonstances avec l'extrême gauche et Mélenchon. En plus, j'ai noté que le Parti socialiste faisait la même chose avec la nôtre, et donc c'est un renvoi de bons procédés », considère le député de l'Ain, Damien Abad (LR).
« Les Français n'attendent pas de nous des alliances de circonstances, ajoute-t-il, ils attendent de nous tout simplement qu'on mette le gouvernement devant ses responsabilités, qu'on mette le président de la République devant ses responsabilités, et pas de créer de la confusion des genres. Il y a deux motions qui ont été déposées : une motion d'union de la gauche, une motion de la droite. Chacun les défendra avec ses mots, avec ses convictions, et même s'il y a des points de convergence, je pense que c'est bien que chacun reste dans sa ligne de conduite. »
L’opposition s’offre donc une tribune. Elle n’espère pas faire tomber le gouvernement ; elle ne peut pas atteindre les 289 voix requises dans cette assemblée très largement dominée par les députés de LREM. Des motions de censure en forme de revanche, après une année où l’opposition a très peu pesé dans les débats au palais Bourbon.
→ Écouter sur RFI : Le décryptage du constitutionnaliste Didier Maus