Duel à distance entre Benalla et un haut gradé de la préfecture de police

Parole contre parole: Alexandre Benalla a accusé le directeur de l'ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, d'avoir menti en affirmant n'avoir appris sa présence à la manifestation du 1er mai que le lendemain, mais ce dernier a vigoureusement démenti ce jeudi. A l'Assemblée nationale, les élus LR et LFI ont eux claqué la porte de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Benalla. 

Parole contre parole: Alexandre Benalla a accusé le directeur de l'ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, d'avoir menti en affirmant n'avoir appris sa présence à la manifestation du 1er mai que le lendemain, mais ce dernier a vigoureusement démenti jeudi. Au coeur de la crise politique la plus grave du quinquennat, Alexandre Benalla, ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, a été mis en examen pour avoir frappé deux manifestants le 1er mai dans la capitale alors qu'il accompagnait des policiers comme « observateur ».

Dans une interview au Monde publiée jeudi, il affirme ne pas avoir demandé à être observateur. « Je suis invité à être sur place par Laurent Simonin, chef d'état-major à la Préfecture de police (...) La réalité des choses, c'est que la préparation et l'encadrement de cette mission d'observation, elle n'a pas été au niveau », accuse-t-il.

Interrogé lundi par la commission d'enquête de l'Assemblée, Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC), a rapporté un échange par téléphone le 2 mai avec le préfet de police, Michel Delpuech, au cours duquel il lui avait assuré être « dans la totale ignorance de la présence de Monsieur Benalla sur le terrain » la veille.

«Il ment»

« Il ment. (...) Ce n'est pas vrai », affirme Alexandre Benalla dans Le Monde. « On a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina (commandant militaire de l'Elysée). C'était une réunion de travail à propos des policiers qui font la sécurité autour du palais. A la fin de ce déjeuner, il m'a demandé si je venais toujours le 1er mai et si j'avais reçu l'équipement que je devais recevoir », ajoute-t-il.

Auditionné pour la deuxième fois par la commission d'enquête, Alain Gibelin a fermement répliqué ce jeudi. « A aucun moment » lors de ce déjeuner de travail le 25 avril, Alexandre Benalla « n'a émis l'idée que ça soit le 1er mai spécifiquement » qu'il se rendrait en tant qu'« observateur » sur une manifestation, a-t-il assuré. « En aucun cas, je n'ai invité monsieur Benalla sur cette manifestation ».

«Mon honneur est en jeu»

Le patron de la DOPC, l'un des personnages les plus importants de la préfecture de police de Paris, a redit qu'« en aucun cas » n'avait été évoquée la possibilité de confier à Alexandre Benalla des équipements tels qu'un poste radio et un brassard siglé police. « Mon honneur est en jeu », a-t-il déclaré.

Les accusations d'Alexandre Benalla paraissent corroborer les propos tenus mercredi devant la commission d'enquête par le général Éric Bio-Farina: il y a eu, selon lui, le 25 avril, lors de ce déjeuner, « un aparté entre Alain Gibelin et Alexandre Benalla, qui avait trait à la manifestation (...) du 1er mai », notamment « sur les équipements qui seraient fournis à Alexandre Benalla ».

C'est la deuxième fois que les propos d'Alain Gibelin sont contredits. Ce haut gradé avait laissé entendre qu'Alexandre Benalla avait participé à des réunions de sécurité à la préfecture de police entre le 2 et le 18 mai, alors qu'il était censé être suspendu. L'Elysée avait démenti, et Alain Gibelin avait rectifié son propos en expliquant qu'il avait cru être interrogé sur la période comprise entre le 2 mai et le 18 juillet.


► Commission d'enquête Benalla à l'Assemblée: le corapporteur LR suspend sa participation

Le député Les Républicains Guillaume Larrivé, corapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée sur l'affaire Benalla, s'est dit « contraint » jeudi de suspendre sa participation aux travaux, dénonçant une « parodie ». Guillaume Larrivé pointe notamment le refus de la présidente de la commission Yaël Braun-Pivet (LREM) d'accéder à ses demandes de nouvelles auditions.  « Je constate pour le déplorer que la corapporteure (...) avec le soutien des seuls députés du groupe LREM (...) rejette ces demandes et je pose la question: est-ce que l'Elysée souhaite torpiller les travaux de notre commission ? », a-t-il lancé.

De nouvelles auditions qui selon le voeu de l'opposition auraient permis d'entendre par exemple le porte-parole d'Emmanuel Macron, Bruno Roger-Petit, le conseiller spécial du président Ismaël Emélien ou le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, ce dernier ayant pourtant été entendu au Sénat où la République en Marche n'est pas majoritaire.

Les Insoumis (LFI) ont annoncé également dans un communiqué la suspension de leur participation, dénonçant « un sabotage ».

En outre, le groupe LR à l'Assemblée a indiqué jeudi soir avoir déposé sa motion de censure contre le gouvernement pour le contraindre à « s'expliquer » sur l'affaire Benalla. Cette motion devrait être débattue mardi 31 juillet.


Deux protagonistes de l'affaire Benalla n'ont toujours pas donné leur version des faits, il s'agit du couple qui s'en serait pris aux forces de l'ordres le 1er mai. Le parquet de Paris qui a dans un premier temps demandé à la police pourquoi le jeune couple n’avait pas été poursuivi  pour violence sur les dépositaires de l’autorité publique a finalement décidé d’ouvrir une enquête préliminaire.

Le parquet de Paris explique sa décision par la diffusion d'une nouvelle vidéo qui montre la scène précédant celle mise en ligne par Le Monde le 18 juillet. On y aperçoit notamment les deux personnes malmenées ensuite par Alexandre Benalla jeter des objets sur les forces de l'ordre.

Selon l’avocat du couple, le jeune homme et son amie étaient présents le 1er mai place de la Contrescarpe non pas pour participer à la manifestation et se battre avec la police, mais pour prendre un verre. C’est seulement au moment de la charge des forces de l’ordre qu’ils ont en effet jeté en direction des CRS des objets attrapés sur la table: une carafe, un cendrier... « Réaction colérique et irréfléchie », admet Me Saber, ne justifiant pourtant pas d'après lui la riposte brutale d’Alexandre Benalla.

Au total, ce 1er mai, 31 personnes avaient été interpellées sur la place de la Contrescarpe, dont le jeune couple. Après vérification de leur identité, tous deux sont sortis libres du commissariat. Ils espèrent aujourd’hui être rapidement entendus par la justice.

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