Pourquoi est-il si compliqué de faire l'unité syndicale ? Selon Stéphane Sirot, historien et spécialiste du syndicalisme, la principale raison est qu'il n'y a jamais eu en France autant d'organisations et qui rassemblent aussi peu d'adhérents. « On a un clivage entre un mouvement syndical qui fait le choix de la mobilisation, de la conflictualité, qui est mené par la CGT. Et de l’autre, un mouvement syndical qui, lui, est plutôt orienté par la CFDT et qui au fond cherche à peser sur la rédaction des textes, au travers de rencontres avec les institutions, mais qui en revanche refuse de mobiliser dans la rue et refuse la convergence des luttes. Deux options radicalement différentes l’une de l’autre », résume-t-il.
Dans ces conditions, on imagine la difficulté d’organiser un défilé unitaire. Pourtant, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez l'espère toujours. Il souhaite que ce 1er-Mai soit celui de la convergence des luttes. Le secrétaire général de la CGT rêve d'une union syndicale qui rassemblerait tous les secteurs, étudiants compris, derrière une banderole unitaire, symbole de leurs revendications communes.
« On voit que là où il y a l’unité syndicale, ça marche, défend-il. Ce serait beaucoup mieux si au niveau national, on parvenait ensemble à s’entendre sur des mots d’ordre que l’on partagerait, comme des questions sur le pouvoir d’achat ou sur l’emploi. Pour nous, le 1er-Mai, c’est l’occasion de venir rejoindre le cortège syndical. »
Une conjoncture pourtant favorable à l’union
La conjoncture est pourtant favorable à une union syndicale, car ce 1er-Mai 2018 se déroule dans un contexte social agité : grève à la SNCF, chez les salariés d’Air France, dans la fonction publique, dans les Ehpad, sans oublier les retraités et les étudiants. Si les syndicats échouent à rassembler au niveau national, ils y parviennent au niveau sectoriel. C’est le cas chez les cheminots, où les quatre organisations représentatives mènent ensemble le mouvement. Même chose chez les fonctionnaires, où les syndicats sont unis dans leurs revendications. Le prochain défilé de la fonction publique, prévu le 22 mai, sera unitaire.
C’est une satisfaction pour Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, premier syndicat des fonctionnaires : « Nous nous retrouvons à neuf fédérations de fonctionnaires, c’est suffisamment important pour être souligné. C’est le signe d’une unité syndicale qui porte des choses ensemble. Je rappelle qu’il y a nécessité et urgence de se mobiliser pour porter ensemble des revendications, pour conforter le rôle des agents et mieux reconnaitre leur travail. »
Le changement pourrait venir de la FO
Le défilé du 1er-Mai va se dérouler en ordre dispersé. FO respecte la tradition de ne pas participer au cortège. Quant à la CFDT de Laurent Berger, elle préfère organiser, avec les syndicats UNSA et la Fage, une journée culturelle et militante avec la projection d'un film sur le travail. Un choix que justifie Marie Lise Léon, secrétaire nationale à la confédération : « On n’est pas sur la convergence des luttes. Un 1er-Mai qui serait la soi-disant synthèse de tous les mécontentements, on n’y croit pas. Il y a d’autres mouvements qui sont organisés à la SNCF, dans les Ehpad, pour les fonctionnaires, dans lesquels la CFDT prend sa part et continuera à prendre sa part. L’idée est donc de décaler le 1er-Mai et en disant "C’est la fête du Travail" et donc on le met en lumière, ce qui n’empêche pas après, pour chaque sujet où on a des revendications, de le faire de façon distincte. »
Mais le changement pourrait venir de Force ouvrière, car le syndicat vient d'élire son nouveau secrétaire général en la personne de Pascal Pavageau. Il succède à Jean-Claude Mailly qui laisse le syndicat très divisé. Les militants lui reprochent d'avoir été trop conciliant avec le gouvernement lors des ordonnances sur la loi Travail.
Le nouveau patron de FO a d’ores et déjà annoncé son intention de durcir la ligne du syndicat. Un positionnement qui pourrait renforcer l'action de la CGT et isoler la CFDT. Ce qui n'est pas forcément un handicap, car la centrale de Laurent Berger pourrait redevenir l'interlocuteur privilégié du gouvernement, comme elle l'avait déjà été en 2016 quand elle avait soutenu la loi El Khomri.
■ Loin de la France pour le 1er-Mai ? Macron assume totalement
En ce 1er mai 2018, Emmanuel Macron est très loin de la métropole et de la grogne qui monte dans plusieurs secteurs. Le chef de l'Etat se trouve en Australie, et se rendra dans les prochains jours en Nouvelle-Calédonie. Certains le lui reprochent. Une « fausse polémique », leur a répondu le président.