Dans les grandes lignes, le plan de la France pour se relancer dans la course à l'intelligence artificielle s'inspire du rapport du député LREM et mathématicien Cédric Villani. En guise d'investissements massifs, 1,5 milliard d'euros iront d'abord et avant tout soutenir la recherche dans le domaine. C'est là que la France pêche face à la concurrence anglo-saxonne et asiatique. Dans cet engagement, 400 millions d'euros concernent des appels à projets. Des financements qui puisent dans des fonds publics préexistants et dans le fonds pour l'innovation de rupture (10 milliards d'euros au total), alimenté en grande partie par des privatisations. L'intelligence artificielle est le premier chantier à bénéficier de ce fonds.
Dans sa longue allocution au Collège de France ce jeudi 29 mars, Emmanuel Macron est revenu sur l'immense vivier de chercheurs que la France possède mais qu'elle laisse s'échapper à l'étranger, faute de leur proposer des conditions satisfaisantes. Pourtant, le président n'a pas retenu la proposition de Cédric Villani de doubler le salaire des chercheurs publics en début de carrière pour les retenir sur le sol français. A la place, il s'agit de monter un réseau d'instituts de recherche sur tout le territoire pour attirer les meilleurs chercheurs, français et étrangers. De la même manière que l'initiative « Make our Planet great again », en faveur de la recherche sur le climat, il veut attirer les meilleurs savants et les meilleurs projets de recherche vers l'Hexagone.
Réduire les délais d’expérimentation
Pour encourager les expérimentations, le président a annoncé sa volonté de « mettre fin à la porosité » entre le monde de la recherche et le monde industriel. Cela passe par un allongement du temps que pourrait consacrer un chercheur à des projets financés par le secteur privé. Enfin, il faut réduire les délais d'expérimentation, singulièrement longs en France, et qui ne sont pas adaptés au développement d'une économie de l'innovation, selon Emmanuel Macron.
Ainsi, le président de la République a annoncé que la France se doterait dès 2019 du cadre législatif qui permettra d'expérimenter sur les routes les véhicules autonomes de niveau 4 (autonomie quasi-totale), permettant ainsi à l'automobiliste de s'engager dans d'autres tâches que la conduite telles que regarder un film ou travailler sur un écran. Les principaux constructeurs français sont engagés dans le développement de ces innovations.
La question sensible des données
L'autre chantier, déjà pointé par Cédric Villani dans son rapport rendu public mercredi 28 mars, est celui des données, la matière première de l'apprentissage automatique des machines. Etre un Etat jacobin a du bon, souligne Emmanuel Macron. La puissance publique veut tirer profit de l'immense masse de données centralisées dans ses administrations pour les mettre à disposition des chercheurs. Secteur prioritaire : la santé. Assurance-maladie, hôpitaux, médecine de ville devront être précurseurs en la matière.
La France et l'Union européenne doivent garantir ensemble que les données des citoyens seront protégées et anonymisées comme il se doit.
Rebondissant sur les récentes polémiques sur le scandale Facebook-Cambridge Analytica, Emmanuel Macron a rappelé l'un des défis majeurs de l'intelligence artificielle. Dans une compétition qui mettra aux prises des Etats, des acteurs non-étatiques, des grands géants du net, la France et l'Europe devront ériger leur propre modèle. Ainsi, la transparence des algorithmes devra être la norme, selon Emmanuel Macron.
Le privé annonce des investissements massifs
Etablir un cadre pour garantir le respect de la liberté individuelle, de l'intimité est important pour préserver la « confiance démocratique », souligne le président français. Des « choix civilisationnels » devront aussi être faits. Dans cette « quatrième révolution industrielle » qu'est l'émergence de l'IA, il faudra choisir d'inclure tout le monde, prendre des engagements de non-discrimination raciale, sexuelles et instaurer plus de diversité parmi les chercheurs afin d'éviter les biais parfois reprochés aux algorithmes actuels.
En parallèle, le secteur privé a annoncé des investissements massifs en particulier pour la recherche et le développement de l'intelligence artificielle en France.
Ainsi, l'américain Microsoft promet d'investir 30 millions de dollars sur trois ans en France, dans la formation d'une part, via l'école IA Microsoft, ouverte début mars. Plus tôt, le conglomérat sud-coréen Samsung a annoncé l'installation de son troisième plus grand centre de recherche, fort à terme de plus de cent chercheurs. Le japonais Fujitsu, lui, va installer un centre de dimension européenne. DeepMind, société créatrice du logiciel AlphaGo va également installer des chercheurs à Paris tandis que Google va parrainer une chaire IA à Polytechnique. Des décisions qui illustrent le nouvel attrait des investisseurs pour la France, redevenue attractive depuis le Brexit et l'élection de Donald Trump.