Une étude de la revue médicale The Lancet parue en début d’année montre que les violences sexuelles subies par les femmes africaines sur le sol français multiplient par quatre le risque d’infection. Catherine Aumond, vice-présidente de l’association Aides, le confirme et rappelle que « les femmes africaines en France, dans leur parcours de migration, sont exposées à plusieurs titres ».
« Elles subissent des contraintes et des violences sexuelles dues à de la sexualité contre des services rendus du style logement. Et puis, quand on a des relations sexuelles contraintes, on ne peut pas négocier sa prévention. Donc, du coup, elles sont surexposées au risque VIH. D’autant que la communauté à laquelle elles appartiennent a une incidence forte du VIH, parce que, beaucoup de personnes sont concernées dans la communauté d’Afrique subsaharienne ».
Dans l’étude qui s’appelle Parcours,poursuit Catherine Aumond, il a été démontré que la moitié d’entre elles étaient contaminées avant d’arriver en France, mais qu'elles ne le savent pas toujours. « Et que, pour la moitié d’entre elles, vont se contaminer dans les deux premières années de leur parcours de migration qui les expose à la plus grande précarité ».
Cette précarité est dont le premier facteur de contamination. « Plus vite elles auront accès à des papiers, donc à des revenus et un logement», mieux ce sera selon Catherine Aumond.
C'est pourquoi elles se mobilisent beaucoup et notamment sur le projet de loi asile-immigration.
« Ce qu’on peut déplorer sur les services sociaux traditionnels, et qui n’ont pas - eux non plus de baguette magique, et qu’ils n’ont en général pas les moyens d’accélérer l’accès aux droits, puisqu’on est sur une loi contraignante et plutôt freinante. Et à AIDES, on craint le pire sur la nouvelle loi qui ne va pas tarder à se discuter à l’Assemblée - la loi Collomb -, sur les demandes de droit d’asile et d’immigration ».
AIDES a recueilli le témoignage de Mariam, 38 ans, victime de violences sexuelles dans sa famille d'accueil en France :
« Mariam a fui le Mali, elle est arrivée en France il y a 9 mois. Sans titre de séjour ni logement bien sûr. Tout ce qu'elle possédait, c'était les 1 500 euros qu'elle avait réussi à économiser et à sauver jusqu'à son arrivée. Une fois en France, une dame, qui pensait bien faire, lui a présenté un monsieur français, qu'on appellera " D ", et qui s'est tout de suite proposé de l'héberger. Et là tout s'est compliqué. Pour le remercier, Mariam a commencé à s'occuper de toutes les tâches ménagères : cuisine, lessives, ménage. Mais au bout de 15 jours, " D " n'en avait pas assez. Il a d'abord pris ses 1 500 euros, considérant que c'était une " juste rémunération " pour 15 jours de gîte et de couvert. Puis il l'a interdit de sortir, de voir des gens, de recevoir des appels. Et le harcèlement sexuel a commencé. D'abord des allusions, de plus en plus explicites, puis des pressions, des intimidations... Mariam dormait dans le salon. Le soir, " D " s'asseyait à côté d'elle, mettait des films pornos et demandait à Mariam de regarder. Alors elle trouvait un prétexte et allait s'enfermer dans la salle de bains. Comme Mariam ne cédait toujours pas, il a commencé à rationner sa nourriture. Parfois, quand " D " s'absentait pour plusieurs heures, il l'enfermait dans l'appartement. »
« En fait, Mariam revivait en France ce qu'elle avait déjà vécu au Mali. Mais elle a tenu bon. Son pouvoir de résilience est incroyable. Heureusement, elle avait une échappatoire, une seule : les rendez-vous médicaux auxquels " D " acceptait qu'elle se rende à pied, puisqu'elle n'avait même pas de quoi payer les transports en commun. Mariam a fini par trouver la force d'en parler à son médecin qui l'a orienté vers des structures sociales et vers des militants de AIDES. Aujourd'hui Mariam a trouvé une place dans un foyer. Grâce aux Restos du coeur, elle peut à nouveau manger correctement. Elle est accompagnée par AIDES pour les soins et commence même à participer à des actions de prévention. Petit à petit elle surmonte sa peur. Sa peur de " D ", et des hommes en général. Avec un sourire dans la voix, elle nous confie même, à la fin de l'entretien : " D " continue de m'appeler, il me demande à chaque fois la même chose : " quand est-ce que tu viens faire le ménage chez moi ? " Il peut toujours attendre. »