France: Edouard Philippe présente ses mesures contre la radicalisation en prison

En visite à Lille avec une douzaine de ses ministres, le Premier ministre a présenté ce vendredi 23 février le plan de lutte du gouvernement contre la radicalisation. 60 mesures pour mieux détecter les comportements à risque et pour gérer les détenus radicalisés qui seront désormais regroupés dans des « quartiers étanches » à l'écart des autres prisonniers, et répartis dans des établissements pénitentiaires partout en France, a annoncé Edouard Philippe.

Sur près de 70 000 détenus en France en février, 512 personnes sont incarcérées pour des faits de terrorisme et 1 139 prisonniers de droit commun ont été identifiés comme « radicalisés ». Edouard Philippe a annoncé la création de 1 500 places « dans des quartiers étanches » pour les détenus radicalisés et les plus dangereux seront placés dans des quartiers encore plus encadrés. Objectif : prévenir le prosélytisme et la contagion entre les détenus.

Les radicalisés ne seront désormais plus emprisonnés avec les autres détenus, mais seront placés dans des quartiers spécifiques, comptant entre 15 et 20 prisonniers. L'objectif est d'avoir 450 places d'ici à fin 2018 dans ces « quartiers étanches » et, à terme, 1 500 places à travers la France afin d'alléger les tensions en Ile-de-France où les maisons d'arrêt accueillent 60% des détenus terroristes.

Le gouvernement veut également miser sur une meilleure détection des détenus à risque. De nouveaux quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) vont être créés. Il en existe actuellement trois, tous en Ile-de-France, dans les prisons d'Osny, Fresnes et Fleury-Mérogis. Deux seront créés à Vendin-le-Vieil (60 places), un autre à Condé-sur-Sarthe dans l'Orne (30 places environ).

Deux QPR, des quartiers de prise en charge de la radicalisation, vont être créés, à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, sur le modèle de celui de Lille-Annoeullin, qui compte actuellement 19 détenus. Ces quartiers sont réservés aux « gros profils », des cadres jihadistes, des prosélytes dont « on ne veut pas qu'ils déteignent sur le reste de la détention », explique une source pénitentiaire. L'objectif est de placer 25 détenus par QPR.

Pour les surveillants de prisons, ces proprositions vont dans le bon sens mais elle restent insuffisantes. « Notre organisation est pour la mise en place de quartier d'isolement pour les détenus radicalisés, cependant, on nous annonce 1 500 places de plus, nous ce que l'on souhaite, c'est de savoir : comment, où, avec quels personnels et avec quelle formation, lance Christopher Dorangeville, le secrétaire générale de la CGT pénitentiaire.  Ces éléments ne nous ont pas été donné, ce qui nous laisse supposer que ces 1 500 places seront prises sur des établissements existants et donc forcément sur la détention des détenus classique, ce qui va engendrer des moins bonnes conditions de détention pour les détenus de droit commun ».

Esther Benbassa pointe « des risques de confusion »

La sénatrice écologiste Esther Benbassa, co-auteur d’un rapport sur le « désendoctrinement et la réinsertion des jihadistes en France et Europe » porte un regard très critique sur ce plan. A RFI, elle se dit particulièrement gênée par le projet de détecter la radicalisation dans les écoles et la fonction publique. Le risque, selon elle, est d'entrer dans une société de soupçon : « C'est très difficile de discerner des personnes radicalisées. Comment vont-ils faire ? C'est le type qui porte la barbe ou celui qui ne mange pas de porc ? Il y aura des confusions entre des religieux et des radicalisés. Si vous êtes très religieux, vous allez entrer dans la catégorie "très radicalisé". Comment va-t-on le savoir ? Je trouve ça très stigmatisant, parce qu'on parle des musulmans, on ne parle pas des autres. A chaque fois que je vais voir un barbu dans un service public, je vais me dire c'est un terroriste ? Comment peut-on vivre dans une société de soupçon ? Cette société est en train de se radicaliser elle-même dans la répression et le soupçon. »

(Avec agences)

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