Avec son langage fleuri, Jawad Bendadoud se défend comme un beau diable. « Je n’étais au courant de rien, dit-il. Le ciel m’est tombé sur la tête. Je préfère prendre six ans plutôt qu’une relaxe, mais qu’enfin la vérité soit dite. »
Voilà sa ligne de défense : confesser qu’il est un délinquant, sans aucun lien avec le terrorisme. « A Abaaoud, je lui ai dit "je ne fais pas la prière". Vous imaginez ? Je sais que c’est des terroristes et je leur dis "Je fais pas la prière" ? Y a rien de logique dans cette histoire, j’aurais dû m’en douter. Deux mecs qui viennent de Belgique et qui veulent juste de l’eau et dormir, j’aurais dû m’en douter. Je ne les aurai pas hébergés, même pour 150 000 euros. »
Puis le logeur de Saint-Denis s’apitoie sur son sort. « Ils disent à la télé que je fais le show, j’aimerais bien qu’ils me voient dans ma cellule quand je pleure pendant des heures au parloir. Même mon frère me dit que je deviens fou et que je parle fort. »
Enfin, Jawad Bendadoud évoque son avenir, ses projets, comme monter une chaîne de restaurant. « J’ai aussi commencé à écrire un livre sur ma vie mais j’ai arrêté, ça ma saoulé. Une chose est sûre : la délinquance c’est du passé, personne ne voudra plus jamais s’associer avec moi. C’est mort. J’ai plus d’avenir dans l’illégal. »
Le ressenti des victimes
Devant les propos et la défense du logeur de Saint-Denis, certaines victimes du Bataclan confient leur scepticisme. Sandrine, l'une des 500 parties civiles, a l'impression d'assister à « un grand show » et a du mal à envisager que Jawad Bendaoud ne se soit douté de rien.
« C’est impossible pour moi qu’il n’ait pas été au courant. Même nous, en tant que victime, on a essayé de s’isoler et on n’y arrivait pas. C’était impossible, c’était en boucle partout. Et ça me paraît invraisemblable que pendant trois jours, il n’ait eu aucune information. Donc oui, je pense qu’il y a du mensonge. Pour du business, ils sont capables de faire n’importe quoi et c’est ça qui est dangereux. Ça nous a coûté très cher et ça risque encore de nous coûter très cher. Pour moi, c’est surréaliste. »
Ce mardi, comme une dizaine d'autres parties civiles, Sandrine va prendre la parole devant le tribunal. Elle explique que si elle ne s'est pas exprimé jusque là, elle en ressent aujourd'hui le besoin. « Je vais prendre la parole parce que depuis le 13-Novembre je n’ai jamais communiqué et là, j’ai vraiment besoin de m’exprimer, même d’une façon très courte, pour dire mon ressenti par rapport à ce qu’on a vu et ce que j’aimerais qu’on garde en mémoire. Ce que représentait le 13-Novembre. Qu’on ne s’égare pas. »