A peine arrivé à Louméa, Edouard Philippe est allé à la rencontre des habitants au marché de la ville. Les traits tirés après une vingtaine d'heures de voyage, il a voulu commencer son déplacement auprès des Néo-Calédoniens. Collier de fleurs autour du cou et noix de coco dans les mains, le Premier ministre a enchaîné les selfies et les bises.
Pendant quatre jours, jusqu'à mardi, M. Philippe va enchaîner les rencontres avec les formations politiques, les tribus et les industriels. Objectif : accompagner dans le calme la Nouvelle-Calédonie jusqu'au référendum. Et pour cela, le chef du gouvernement devra parler de la suite, de l'après-référendum, dissiper le flou et les inquiétudes.
« Les enjeux pour la Nouvelle-Calédonie sont considérables, explique le Premier ministre au micro de notre envoyé spécial Julien Chavanne. C'est un processus ancien, commencé en 1988, qui s'est accéléré en 1998, et qui permet à l'ensemble des parties néo-calédoniennes de travailler ensemble et de penser, d'imaginer, quel sera leur futur commun, leur destin commun. »
Ce référendum est une étape majeure du processus de décolonisation de ce territoire lointain, contrôlé par la France depuis 1853. Le processus avait été engagé après les violences meurtrières des années 1980. Pour les Kanaks, le peuple qui vivait là avant l'arrivée des Français, ce scrutin sera un pas supplémentaire vers l'indépendance.
« Quel statut on peut donner à ce territoire ? »
Selon les observateurs, pourtant, il est vraisemblable que les indépendantistes perdent le scrutin. Mais il faudra alors réfléchir à la suite, car ils veulent absolument « un acte de décolonisation fort, qui reconnaisse aux Kanaks qui ce pays est le leur et que sur cette terre, ils ont accueilli des gens », explique Alban Bensa, anthropologue à l'EHESS.
Pour ce spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, il faut que « cette reconnaissance soit marquée institutionnellement par le nouveau statut » pour calmer les ardeurs. « Quel statut on peut donner à ce territoire qui veut sortir de l'espace français tout en gardant des relations historiques continues et bonnes avec la France ? », interroge-t-il.
Cette perspective inquiète les métropolitains installés dans l'archipel, qui craignent un regain de tension entre les communautés. Les élus locaux et l'Etat souhaitent cependant organiser une consultation « loyale et incontestable », selon les mots d'Edouard Philippe. Pas question pour lui d'appeler à voter contre l'indépendance explicitement.
« L'Etat est un acteur de ce processus, rappelle M. Philippe. Il n'est pas seulement un garant, un observateur éclairé et intéressé, il lui incombe à lui comme aux autres parties de faire en sorte que ce processus unique dans notre histoire, et assez unique dans l'ensemble des pays comparables, puisse se dérouler calmement et permettre une solution à la fois durable, pacifique et dans l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie. »