L'exercice auquel s'est livré Emmanuel Macron ce dimanche soir ressemblait à une opération de déminage et de reconquête, après plusieurs semaines de polémiques et de mouvements sociaux. Pas de grandes annonces, mais de la pédagogie. Le chef de l'Etat a d'abord cherché à justifier ces mots qui ont contribué à lui coller une image d'arrogance, de laquelle il se défend. Le « bordel », employé pour qualifier la mobilisation des salariés de l'usine GM&S, c'est du langage populaire, a-t-il expliqué. Il a même invité les journalistes à vérifier dans le dictionnaire.
Emmanuel Macron assume son vocabulaire et sa volonté de nommer les choses, à l'inverse d'une élite politique habituée à un « discours aseptisé ». « Je continuerai à dire les choses, je continuerai à respirer l'air, à parler à nos concitoyens, à parfois m'emporter quand j'échange avec eux et à dire ce que je crois vrai », prévient le président français.
« Je n'ai jamais insulté qui que ce soit et je ne le ferai jamais, parce que je considère l'ensemble de mes concitoyens, assure-t-il encore. Parce que je suis le président de tous les Français. » Un rappel destiné à ceux qui ces derniers temps l'ont accusé de n'être que le président des riches, et qu'il répétera à plusieurs reprises durant cette heure et quart d'interview.
Les résultats des réformes d'ici « un an et demi, deux ans »
Mais l'essentiel de cet exercice inédit depuis son élection a surtout été consacré aux dossiers économiques, et en particulier à la réforme du travail, dont les effets se feront ressentir sur la courbe du chômage d'ici « un an et demi, deux ans », promet-il. Emmanuel Macron en est certain : cette lutte contre le chômage passe par la formation professionnelle et l'éducation via l'apprentissage. Il faut faire sauter les verrous mentaux qui font de cette filière l'une des plus mal considérée, juge-t-il.
Concernant l'ouverture des droits aux indemnités sociales aux démissionnaires, le chef de l'Etat a expliqué qu'elle sera « encadrée » et sera appliquée « s'il y a un projet » de la part du démissionnaire.
Emmanuel Macron a expliqué sa « philosophie » de l'action politique qui, selon lui, doit permettre de transformer le pays pour que chacun y « trouve sa place ». Une manière encore de refuser cette image de président des riches, qu'il a d'ailleurs comparé à des « premiers de cordée », qui peuvent tirer le pays. « Je ne crois pas à la jalousie française », assène le président.
Autre réforme qui inquiète, celle de la baisse des APL et ses conséquences pour les bailleurs sociaux. En 2008, l'Etat veut économiser 1,5 milliard d'euros d'APL versés aux locataires de HLM en imposant une baisse équivalente des loyers aux bailleurs sociaux. Or ces derniers assurent que cela aura un impact sur leurs finances et l'entretien des immeubles. Emmanuel Macron a tenté de rassurer sur ce point.
Ainsi, sans regret, Emmanuel Macron a affiché sa volonté d'avancer sur les réformes qu'il a annoncées durant la campagne. « Sur tout, je fais ce que j'ai dit. Cela surprend, c'est nouveau », a-t-il déclaré. Ses prédécesseurs apprécieront.
Interrogé sur l'accord sur le nucléaire iranien, Emmanuel Macron a annoncé qu'il se rendra en Iran « le moment venu ». Rappelant son « désaccord » avec son homologue américain Donald Trump qui a annoncé vendredi 13 octobre qu'il ne ratifierait pas le texte, le président de la République, au contraire, a affirmé son attachement à l'accord de 2015 parce qu'il permet de « contrôler les choses ».
Le chef de l'Etat a également été invité à réagir à l'attaque contre deux jeunes filles à Marseille il y a deux semaines, tuées par un Tunisien en situation irrégulière. Sur le sujet, Emmanuel Macron a prévenu qu'il serait « intraitable ». « On prendra des mesures plus dures (...). Toutes celles et ceux qui, étant étrangers en situation irrégulière, commettent un acte délictueux quel qu'il soit seront expulsés », a averti le chef de l'Etat.
Louanges de LREM, critiques de l'opposition
Mais pour le politologue Bruno Cautrès, si le chef de l'Etat a tenté de répondre à ceux qui l'accusent de mener une politique trop à droite en montrant qu'elle aurait des répercussions pour l'ensemble des Français, il n'a pas su s'adresser à sa gauche. « Le vocabulaire d'Emmanuel Macron n'est pas riche en mots clés importants pour les électeurs de gauche, analyse-t-il. Les inégalités, les injustices sociales, la pauvreté... sont des mots qui n'ont quasiment été pas prononcés ». Il est donc peu probable qu'il ait réussi à corriger cette image d'un président essentiellement intéressé par la question de libérer l'économie française.
Ainsi, si l'entretien a engendré un concert de louanges de la majorité, dont les cadres ont salué une parole « claire » et un président « déterminé », les réactions ont été tout autres dans l'opposition. « Dans le monde de #Macron il vaut mieux être riche et bien portant. Pour les jeunes, retraités, emplois aidés, salariés... rigueur confirmée ! » a tweeté le coordinateur du PS et sénateur Rachid Temal.
Critiquant une absence de vision, l'ancien vice-président du FN et actuel président de la formation Les Patriotes Florian Philippot a pour sa part dénoncé un homme « endossant tous les costumes », sauf celui de président de la République.