Tout commence en octobre 2010. Le cimentier Lafarge lance une usine à Jalabiya dans le nord de la Syrie. Mais en 2013 ce sont les jihadistes qui sont maîtres du terrain.
Contrairement à d'autres sociétés, Lafarge décide de rester. Pour cela, il lui faut l'aval des autorités françaises et notamment celui du Quai d'Orsay. « Le Quai d'Orsay nous dit qu'il faut tenir, que ça va se régler (...) On allait voir, tous les six mois, l'ambassadeur de France pour la Syrie et personne ne nous a dit : "Maintenant il faut que vous partiez" », expliquera Christian Herrault, l'ancien directeur général adjoint opérationnel du groupe.
Le prix à payer pour rester en Syrie
Mais se maintenir dans le pays a un prix. Le groupe paiera donc entre 80 000 à 100 000 dollars à un intermédiaire. Celui-ci est chargé de ventiler l'argent entre différentes factions armées. En échange de quoi, l'organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi délivre en mai 2014 un laissez-passer libellé ainsi « Prière d'autoriser le ciment venant de Lafarge à passer les barrages ».
Le 29 juin 2014, le jour même où al-Baghdadi proclame son califat, une rencontre est organisée entre un de ses cadres et le responsable de la sécurité de la cimenterie. Seul commentaire du Quai d'Orsay pour le moment : « L'enquête judiciaire en cours permettra de faire toute la lumière sur ces allégations ».
L'ONG Sherpa demande l'audition de Laurent Fabius
L'association anticorruption Sherpa, partie civile dans l'affaire a donc annoncé avoir demandé mercredi 11 octobre que l'ancien ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius et deux anciens ambassadeurs de France en Syrie soient entendus par les juges d'instruction.
Pour la responsable des contentieux au sein de l'ONG Sherpa, Marie-Laure Guislain, « il est indispensable de rechercher toutes les responsabilités si l'Etat devait être impliqué dans cette affaire ».