Avoir recours à des ordonnances pour réformer le droit du travail, l'idée ne date pas d'hier. Pour introduire la cinquième semaine de congés payés et abaisser le temps de travail à 39 heures, le gouvernement de Pierre Bérégovoy y a eu recours en 1982. Tout comme Jacques Chirac, quatre ans plus tard, pour, déjà, assouplir le Code du travail. La manœuvre, cette fois-là, n'avait pas fonctionné. En pleine cohabitation, le président François Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances, obligeant le gouvernement à passer par la procédure classique.
Autorisé par l'article 38 de la Constitution, le recours aux ordonnances est une première fois dégainé en 1960 sous la présidence de Charles de Gaulle dont le gouvernement demande pudiquement l'autorisation de « prendre certaines mesures relatives au maintien de l'ordre en Algérie ». Son usage s'est peu à peu banalisé pour faire passer des textes sensibles (réforme des retraites sous Edouard Balladur en 1993, réforme de la Sécurité sociale sous Alain Juppé en 1996, etc.), au grand dam des députés et des sénateurs.
En 1986, le socialiste Pierre Joxe dénonçait à l'Assemblée un « sabotage de l'institution parlementaire ». En escamotant le débat dans les deux hémicycles, la méthode atteste, pour ses détracteurs, du caractère monarchique de la Ve République.
Depuis le début des années 2000, le nombre d'ordonnances a explosé. « Sur cinq ans (2003 et 2007), le nombre de lois contenant des mesures d'habilitation [autorisant le recours aux ordonnances] dépasse celui enregistré » pour la période 1984-2003, observe un rapport du Sénat de 2007. Le rapport explique aussi qu'« en 2004, pour la première fois, plus de la moitié des textes intervenus dans le domaine de la loi sont des ordonnances ».
« Dans de nombreux cas, analyse le professeur de droit public à l’université Lille 2 Jean-Philippe Derosier, il s'agit plus de soulager le Parlement sur des aspects techniques (pour notamment transposer des directives européennes) que de le contourner. »