Présidentielle: la presse étrangère entre soulagement et anxiété

Dimanche 23 avril, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle française en réunissant respectivement 23,9% et 21,4% des voix. Après les résultats de ce scrutin, la presse étrangère n’a pas tardé à réagir en saluant la qualification du candidat d’En Marche ! pour le tour suivant. Cependant, certains journaux ont tout de même estimé que la présence de la candidate d'extrême droite représentait « une menace ».

Durant des mois, les rebondissements de la campagne présidentielle française avaient suscité un grand intérêt de la part des médias étrangers. Ces derniers n’ont donc pas manqué de réagir à l’annonce de la qualification pour le deuxième tour d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

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Au Royaume-Uni, la presse a globalement bien accueilli le résultat du candidat d’En Marche. The Guardian a ainsi estimé qu’il représentait « le meilleur espoir d'un grand pays profondément troublé ». Cependant, le quotidien britannique de centre gauche a averti que « la menace posée par l'extrême droite n'était pas éteinte ». The Financial Times, de son côté, voit déjà dans le second tour du 7 mai le « couronnement » d’Emmanuel Macron. Le quotidien des milieux d'affaires prévient toutefois que le jeune centriste (39 ans) sera forcé de « négocier durement » pour mettre son programme en œuvre s'il est élu. Enfin, le conservateur Daily Mail a choisi de titrer sur « une nouvelle révolution française » en expliquant que la France faisait maintenant face à son propre référendum pour l'Union européenne.

En Allemagne, le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung se montre réservé sur la qualification d'Emmanuel Macron dans un article intitulé « La France déchirée »: « Plus de 40% des Français ont voté pour des candidats à droite toute ou à gauche toute. La victoire de Macron est tellement étroite que, lors des deux présidentielles précédentes (2007 et 2012, NDLR), il ne serait pas arrivé au second tour ». Pour le magazine de centre-gauche Der Spiegel, le succès du candidat centriste est « une gifle retentissante pour l'establishment politique. Sa qualification au second tour a balayé, au moins provisoirement, des institutions politiques de longue date, les gaullistes-conservateurs Les Républicains, tout comme les socialistes au pouvoir (du président) François Hollande ».

Le journal suisse Le Temps, en reprenant le terme de « nouvelle frontière » utilisé par l'ancien président américain John Fitzgerald Kennedy, espère pour sa part la victoire d'Emmanuel Macron, mais le quotidien estime qu' « avec le Front national, ce sont les descendants de la France collaborationniste et de l'Algérie française qui se trouvent aux portes du pouvoir ».

Le quotidien espagnol El País prédit un second tour « sans risque de confusion ni points communs » entre les deux candidats, « qui proposent deux visions opposées pour l’avenir de la France et de l’Europe ». Cependant,il apparait peu probable pour El País que les partis d'Emmanuel Macron ou Marine Le Pen puissent obtenir, lors des législatives de juin, un nombre de députés nécessaire pour gouverner.

Un duel entre un « novice politique » et un « tison d'extrême droite » pour le
New York Times

La presse américaine a elle aussi largement réagi au résultat du premier tour. Pour le Wall Street Journal, les Français ont « redéfini la géographie politique du pays en plaçant l'Union européenne au centre de la nouvelle opposition politique ». D'un côté, ajoute le quotidien économique et financier, « se tient M. Macron, un ancien banquier d'affaires qui veut renforcer l'intégration européenne. De l'autre, Mme Le Pen, ennemie jurée de l'UE et de sa monnaie unique ».

Le New York Times, lui, parle d'un duel entre un « novice politique » et un « tison d'extrême droite », « deux outsiders avec des visions radicalement différentes pour le pays ». Cette opposition « place la France sur un chemin incertain au moment critique où cette élection pourrait également décider de l'avenir de l'Union européenne ».

En Chine, dans un éditorial mis en ligne dans ses éditions anglaise et chinoise, le quotidien Global Times, proche du pouvoir, rappelle que « la plupart des observateurs français comme européens pensent que Macron l'emportera ». Mais « ces mêmes experts courent manifestement le risque de se tromper comme ce fut le cas avec le résultat de l'élection présidentielle américaine », explique le tabloïd. « Si Macron gagne, cela ne voudra pas dire que Le Pen aura travaillé pour rien: sa carrière politique peut subir des revers mais la force politique de l'extrême-droite a grossi pendant sa campagne électorale. Si contre toute attente elle l'emporte en battant Macron, pour beaucoup d'Européens sa victoire sonnera le glas de l'Union européenne. »

En Russie, la télévision publique a diffusé pendant toute la soirée en incrustation un déroulant affichant en temps réel les résultats des quatre candidats arrivés en tête, rapporte notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne. Il s'agissait des chiffres partiels donnés par le ministère français de l'Intérieur au fur et à mesure du dépouillement.

Il est ainsi apparu jusqu'à tard dans la soirée que Marine Le Pen était devant Emmanuel Macron. La télévision n'a jamais précisé qu'il s'agissait de résultats partiels. Les téléspectateurs russes sont donc allés se coucher avec l'impression que la candidate frontiste avait fait la course en tête.

Le propagandiste en chef, Dmitri Kisselev, dans son émission hebdomadaire, a consacré plus de temps à Marine Le Pen qu'à Emmanuel Macron et a surtout conclu sur les échauffourées « diffusées en direct ».

La chaîne de télévision de l'Armée rouge est allée plus loin en publiant toute la journée des messages sur le réseau social Twitter avec le mot-dièse #JevoteMarine.

La presse écrite est plus modérée. Kommersant parle de finale du concours des eurosceptiques. Le journal souligne que les trois candidats favorables au rapprochement avec la Russie ont fait plus de 60% des voix, une victoire morale mais inutile pour Moscou.

Pour sa part, Vedomosti insiste sur l'élimination des partis politiques traditionnels, ce qui montre que « la transformation de la société n'est pas compatible avec les institutions du système » conclut le journal.

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